Partout des iris
PARTOUT DES IRIS
Partout des iris
ne rien écrire aujourd’hui
que le vent n’emporte
Une écrivaine connue sort un livre sur … ses insomnies. Écrire l’ennui, les insomnies, c’est un peu illustrer ces propos de l’humoriste Raymond Devos : « Et si vous n’avez rien à dire, parlons-en ! »
Hum… En parler à tout prix, c’est rompre un silence sacré pour énoncer une frivolité ; c’est aussi violer la vacuité qui nous rend prêt à accueillir l’essence des êtres, celle qui nous permet de ne rien faire — par pensée, par action, par omission, selon la formule consacrée dont on ornementait nos confessions de péchés imaginaires d’enfant —, ne pas même rêver.
Pages blanches qui devraient le rester et qu’un stylo tâcheron s’opiniâtre à graffer, afin de relater le rien.
Je revois cette planche sur Twitter. Un psy demande à son patient : « Quand vous dites que vous ne pensez à rien, de quel rien s’agit-il ? »
Le rien du pas capable de former une pensée ? Le rien de quelque chose qui colle à l’être et se manifeste par intermittence, sans qu’on sache de quoi il s’agit ? Le rien vacuité du bouddhisme menant au satori, la contemplation ? Le rien existentiel qui nous rattrape parfois et nie notre existence effective (en présenciel, dirait-on aujourd’hui) en ces séquences trop brèves ?
Ce matin, en découvrant tous mes parterres passés au bleu et blanc, je me suis dit que cela suffisait… que même un haïku serait superfétatoire. Écrire ne serait que redite ; déjaïku , c’est ainsi qu’on désigne ce sentiment que le poème que nous écrivons a déjà était écrit… J’ai connu une haijin que cela tourneboulait tellement elle craignait d’être soupçonnée de plagiat.
Mais, évidemment, si deux haïkus semblent exprimer le même ressenti, ils se différencient toujours par l’époque d’écriture et par la sensibilité de l’auteur.
Dire autrement
que Bashô
le bruit de l’eau ?
(10 octobre 2021)