Testament au coquelicot
TESTAMENT AU COQUELICOT
Faire un testament idoine
Mon âme aux coquelicots
D’Hell-Bourg ou de Macédoine
Mes souvenirs aux oiseaux
La belle photo prise au cimetière d’Hell-Bourg. Je l’ai accompagnée d’un souhait : « être enterrée là ».
Et la réponse d’une internaute : « C’est étrange, j’ai eu exactement la même pensée un jour. »
Faut-il continuer le dialogue sur un très convenu : « Nous nous y rencontrerons peut-être… le plus tard possible ! »
En attendant, je lèguerai mon âme aux coquelicots d’ici et d’ailleurs, la fleur rouge devenue lien d’amitié, de vie réelle ou onirique et depuis qu’ils refleurissent aux champs de France, symbole de résilience.
La fleur, à la fois exubérante et secrète, me parle aussi bien aux sens — voir ses corolles épanouies réjouit la rétine — qu’au cœur. Elle murmure au fond de ma mémoire archaïque, celle qui me relie à notre humaine nature.
Coquelicots qui ont poussé sur les champs de bataille, souvenirs et prières de ceux qui sont tombés là. Et Grand-père, qui en ignorait l’existence ! Je lui en ai semés en cette terra incognita de Macédoine où il est mort, « tué à l’ennemi » en 1916.
Ce matin, faute de mots, faute d’images, mon stylo s’est figé, 107 ans sans bouger et ma montre automatique s’est arrêtée. Il a fallu l’encre rubis des coquelicots pour le délier de l’enchantement mauvais des bruits de béton remué, encore, encore…
Écrire peut-être une supplique pour être enterrée au cimetière d’Hell-Bourg dans son écrin de montagnes.
Quelle raison invoquerai-je pour y avoir accès ? Ma qualité de « poète » suffira-t-elle à m’y ouvrir les portes ? Moi qui n’y suis allée qu’en visiteuse amoureuse.
Je ne suis pas résidente en cirque de Salazie. Peut-être demanderai-je à l’amie, asile en sa maison pour y finir mes jours.
Ah… Nul ne sait ni le jour ni l’heure !
Mais l’âme volatile du poète sait toujours où elle veut habiter.
(7 octobre 2021)