Ecrire est-ce bien sérieux?

ÉCRIRE, EST-CE BIEN SÉRIEUX ?

Leçon d’écriture

entre les horizontales

la fourmi divague

emportant tous les secrets

que l’on lit entre les lignes

J’ai deux distiques à composer pour répondre aux haïkus de Blandine : l’un parle de moustique et d’insomnie ; l’autre de coca et de thé…

Aujourd’hui, j’ai envie d’écrire avec légèreté, avec fantaisie, des calembours, des pirouettes, du pas sérieux du tout. Notre collection de bonsaïku prend parfois des allures biscornues. Mais tous les troncs ne montent pas tout droit vers le ciel et l’écriture peut se permettre quelques chemins de traverse absurdes et burlesques de temps à autre.

Je me souviens de ma découverte de M. Yourcenar dans L’œuvre au noir : Dieu ! Qu’est-ce qu’elle écrit sérieusement ! Et de façon parfaite, bien entendu. Réflexion bête sur ce qui nous dépasse…

Mais aujourd’hui où je joue à l’écrivaine, je n’ai pas prétention au génial. Alors, voilà :

Chemin du moustique : Las ! jusqu’au bout de mon rêve / l’insecte m’a poursuivie

Chemin du thé : Genmaïcha je préfère / n’en soyez pas étonnés

Écrire est une balade, une flânerie. Il convient de suivre les pas des mots répertoriés aux allées des dictionnaires — ne rien laisser perdre de cette belle langue que nous avons — mais aussi, s’arrêter pour souffler sur un pissenlit ou pour cueillir une marguerite folle, éparpiller une inflorescence de galabèr, faire un mélimélo de pétales, goûter à toute senteur, toute couleur de rencontre.

Suivre les zigzags de la fourmi de la page en pleine divagation ; elle dédaigne les verticales, les horizontales, les carreaux, les interlignes.

Entre deux rails, il y a toujours l’espace pour insecte vavangueur. Et pour les yeux du cœur qui savent lire entre les lignes.

Ce même jour, je lis l’horoscope fantaisiste de Rob Breszny du Courrier International. Il est question d’une « gitane » qui propose au passant de l’emmener danser sur le gazon d’un parc. Une invitation à ne pas refuser, même si elle peut sembler farfelue.

Croire qu’au bout de sa plume, l’herbe est toujours plus verte pour se ressourcer.

(4 juin 2022)