Ma ruelle et l'infini
MA RUELLE ET L’INFINI
Dimanche matin
la ruelle est mon royaume
l’infini à ma portée
Maîtresse de la Ruelle. Pour un instant seulement… mais, quel instant !
Je me suis levée tôt. Enfin, plus tôt que les autres résidents qui ont encore volets fermés.
Les arbres, les oiseaux et moi. Capitaine, seul maître à bord d’un vaisseau fantôme. Je peux le mener où bon me semble. Par exemple vers ces châteaux nébuleux quand ciel et mer se confondent.
Souvenir d’une balade ornithologique : découvrir les oiseaux marins paille-en-queue, fouquet, makwa, sterne… et aussi les ballets fantastiques d’exocets — ce ne sont pas des oiseaux ? Vous croyez ?
Cap au large. On perd l’île de vue. La galaxie de nuages semble être posée directement sur la mer. Je m’attends à chaque instant, à pénétrer dans cet amas de crème Chantilly ; je relève mon capuchon, clos yeux et bouche.
Effet d’optique, illusion. À mesure qu’on s’en rapproche, les donjons crénelés s’éloignent. Cela me rappelle la notion mathématique de « tendre vers l’infini ». Avec mes élèves, j’aurais pu l’illustrer par cette poursuite. Objet réel pour expliciter l’abstrait d’une entité évanescente, un mirage.
Notre existence terre-à-terre, pas et gestes répétitifs et l’échappée belle des pensées qui tendent vers quelque chose qui nous dépasse.
Je recopie cette définition du manuel de mathématiques, la notion que j’étais censée délivrer aux lycéens et qui leur passaient loin au-dessus de la tête.
« Dire qu’une fonction f tend vers signifie que, quel que soit le réel A, il existe un réel m positif tel que pour tout x de l’ensemble de définition, si x
alors f(x)
»
Tout à fait l’image du bateau qui s’approche du palais de nuages, non ?
Beau dimanche qui m’emporte vers l’infini. Il suffit d’ouvrir les volets, de regarder le ciel, d’écouter les oiseaux.
Dans les gréviléas
les oiseaux du matin
s’ils parlaient d’infini ?
(26 juin 2022)