L'orage du matin

Publié le par Monique MERABET

(cordyline)

(cordyline)

L’ORAGE AU MATIN

 

Au-dessus des iris

crête rouge d’un canna

veilleur en ma cour

 

L’orage du matin n’a pas dérangé la fleur hissée au bout de sa longue tige : « Regardez-moi ! ». Je l’ai baptisée canna cocorico.  

Ainsi mise en vigie, elle me fait penser aux « protections » végétales que l’on mettait autrefois à l’entrée de la cour, gob-movézame, pour retenir les esprits maléfiques attirés par le rouge d’une cordyline, d’un poinsettia… Pass pa la barièr !

Un chiffon rouge accroché au faîte du manguier — il y en avait toujours un dans toute cour qui se respecte — jouait le même rôle. Les élagueurs venus étêter le piémang lorsqu’on avait emménagé dans cette maison de Saint-Denis, avaient hésité à faire tomber l’oripeau écarlate, puis avaient refusé de le ramasser.

Superstitions. Le tissu culturel réunionnais est riche de tous ces gestes à ne pas faire, de ces diktats à respecter… sinon, ma fiy, pangar in mozé zame i vien digdig out pié !

Les grands-parents transmettaient les règles à observer : ne pas rester sous le manguier (et en général ne pas sortir) après six heures le soir, ne pas porter telle ou telle couleur, ne pas transporter de viande la nuit, etc. la liste en serait longue.

Puis l’instruction, la modernité, l’emprise de la télé, ont fait que la transmission s’est interrompue. Qui oserait aujourd’hui conter de telles craques à leurs enfants ?

Aux jeunes générations, s’offre une existence sans mystère, motus et bouche cousue. D’ailleurs qu’en dirait notre ChatGPT ? Autant que les vrais minets à poil qui sillonnent mon jardin et qui n’en pensent pas moins. Oh ! Ces yeux de sphinx !

 

Gris ou roux

les chats du quartier

Miaou…

 

(10 mars 2023)

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