Chemins paradis
CHEMIN PARADIS
Jamais personne au monde ne suit la ligne droite, ni l’homme, ni l’amibe, ni la branche, ni rien du tout.
(Jacques Lacan)
Avant qu’ils se ferment
les liserons du matin
font koudziè d’azur
Ah ! leur parcours volubile
si semblable à mes sentiers
Je me plais à leur doux vavangaj, circonvolutions des lianes autour d’un arbuste ou se mêlant à la vigne. Ils ont choisi leur plante tutélaire ; les liserons sont souvent rebelles et refusent les supports qu’on leur destine… quitte à y revenir après un vagabondage de leur cru.
Là, il y en a un, et puis un autre, et encore celui-ci, en écartant les feuilles en cœur — pour vivre heureux… —, mes yeux finissent par papilloter.
Ces chemins des liserons ressemblent aux miens : pas un pouce de ligne droite. la meilleure méthode pour échapper au temps et à sa trajectoire linéaire, jugulèr-jugulèr.
Tant de pas de côté, de passages de traverse… La mort ne saura pas me dénicher lorsque viendra l’heure dernière. Tant les branches de mon arbre de vie se perdent en un entrelacs de rameaux inextricables.
Le temps bridé, enrêné, ne m’entraînera plus dans son galop du diable. Il fera halte à chaque fleur, à chaque feuille… oh, une plume !
Le chant de l’oiseau
n’arrête pas les rumeurs
flottant sur la ville
trilles clairs qui nous emportent
l’âme en spirales cosmiques
Et en contemplant les liserons, me vient l’espérance — farfelue, saugrenue — que je pourrai choisir mon chemin de paradis…
Plus tard dans la journée, je découvrirai ce poème de Francis Jammes et sa « Prière pour aller au paradis avec les ânes »
Lorsqu’il faudra aller vers vous, ô mon Dieu, faites
que ce soit par un jour où la campagne en fête
poudroiera. Je désire, ainsi que je le fis ici-bas,
choisir un chemin pour aller, comme il me plaira,
au Paradis, où sont en plein jour les étoiles…
Puissions nous faire un bout de chemin ensemble ! Les ânes mangent-ils les liserons ?
(4 mars 2023)