Kanjis sur le café

Publié le par Monique MERABET

Kanjis sur le café

KANJIS SUR LE CAFÉ

 

Ciel mi couvert

frémissant sur sa tige

belle de nuit

 

Les fleurs d’une nuit s’attardent un peu sous la couverte grise des nuages ; le vent s’apprête à faire danser les feuillages. Combien de feuilles tombées ?

J’ai reposé la tasse sans boire : trop joli le piquetage à la surface ! Café bercé ?

Le Graveur du ciel n’aura pas le temps d’y plaquer ses paysages puisque j’aurai vite avalé breuvage et broderies.

 

Café avalé

imaginer après coup

la calligraphie

 

Il m’aurait fallu une loupe pour distinguer au piquetage de minuscules kanjis. J’ignorerai le message à tout jamais.

Comme celui des hiéroglyphes sur le scarabée turquoise ramené d’Égypte : signes gravés au hasard — couleur locale garantie — ou un vœu, un dicton de « Bonne chance » ?

Les fleurs commencent à s’agiter, plus légères que les feuilles…J’irai au marché, à la recherche des épidendrons devenus si rares sous nos cieux. Pour la Fête des Mères, les marchands auront peut-être la bonne idée de présenter d’autres espèces que ces phaelenopsis clonés qui ont la cote aujourd’hui.

Fête des Mères, fête des Pères… notions désuètes décalées par rapport aux nouvelles familles : papa-et-maman, un papa, une maman, deux papas, deux mamans. Je connais des professeurs des écoles qui ont anticipé : Fête des Parents, concept plus neutre et plus serein.

Gommer la question du genre comme on devrait gommer celle de la couleur de peau : blanc/noir, Blanc/Noir… la majuscule est loin d’être anodine.

Jaune ou jaune ? demande l’amie écrivaine et ma réponse : « Je n’utilise jamais cette couleur pour désigner les Asiatiques »…

Confession lourde de sens. C’est dire combien le colonialisme esclavagiste à induit en nous cette non identité africaine puisque les esclaves étaient dépouillés de leur identité.

Nous sommes beaucoup plus à l’aise avec les « Chinois » (même s’ils ne viennent pas de Chine), les « Malbars » (tamouls) ou des « Zarabs » (musulmans) venant de l’Inde. Ces derniers ont abordé l’île volontairement et ont résisté aux tentatives de démounaj*.

 

(2 juin 2023)

*Démounaz : Désubjectivation (Guilmée Técher, Esclavage et filiation à l’île de La Réunion)

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