Le temple du baobab
LE TEMPLE DU BAOBAB
Jardin de l’État
Au baobab gratte-ciel
Tronc devenu temple
Portes et fenêtres closes
Qui percera vos mystères ?
Une visite au Jardin de l’État apporte toujours calme et sérénité. Et joie des découvertes.
Longer les bassins
Mes pensées glissent sur l’eau
Bientôt nénuphars
J’ai déposé quelques livres — boîtes à livres comme des nichoirs — sous les cris (acclamations ?) des perruches proches.
Je me suis arrêtée au baobab. Je ne connais ni son âge, ni son histoire. Temple de savoir, de sagesse ? Nul ne le saura puisque les ouvertures esquissées au tronc ne s’ouvriront pas pour en révéler les trésors.
Peut-être faudrait-il un sésame sacré, celui du cœur ou de l’esprit.
Ou de l’imagination. Le tronc massif ne renferme-t-il pas la voix des ancêtres africains, ceux que l’on a perdus dans la grande amnésie imposée à notre histoire réunionnaise, le système esclavagiste n’ayant eu de cesse de gommer toute trace de civilisation dans ces asservis, mis au rang de bétail. Ni langue, ni rite, ni religion…
Où que portent nos regards, nos pensées, nous butons toujours sur la difficulté à interroger la mémoire effacée. Et la transmission rendue ardue, voire impossible, sinon « en contrebande » comme le suggère (et l’explicite magnifiquement) Guilmée Técher dans Esclavage et filiation à l’île de La Réunion.
« Cet ouvrage, enraciné dans le contexte de la société réunionnaise, met en œuvre une approche psychanalytique à partir du « démounaz », en s’appuyant sur la profondeur historique de l’esclavage. Des hommes, des femmes et des enfants ont été réduits à l’état de chose, d’objet, par la voie d’une vaste entreprise de démolition qui visait à effacer leurs histoires, leur nom et leur condition même d’être humain. Pour s’extraire de multiples formes de destruction, de réification, ils ont alors déployé des stratégies inédites : musique, danse, ruse, rites cultuels, marronnage, etc…
(extrait de la quatrième de couverture)
Arbres vénérables
M’attarder à caresser
Leurs cicatrices
Ce murmure à mon oreille
N’est-ce que l’effet du vent ?
(2 juillet 2023)