Hier... aujourd'hui... demain...Cyclone.
HIER, AUJOURD’HUI, DEMAIN… CYCLONE
Baptisée Belal
Sa trajectoire imprécise
Tempête ou cyclone ?
Un ciel laiteux annonce le météore : tempête tropicale, cyclone, cyclone intense ? On ne sait pas encore, dit le prévisionniste, d’un ton léger. Tout est possible, tout est permis.
Et l’orage gronde, se rapproche, s’abat en grains. Ne pas sortir sous la pluie. Écrire ?
La baleine à fleurs
Couverture du carnet
Pour mes haïkus
Mais que puis-je écrire en attendant cyclone ? L’alerte est orange et sous le ciel couvert, tout est calme, soleil illuminant une façade. Chant de coqs lève-tard.
La radio débite la liste des vols annulés, reprogrammés. Les vacanciers attendent à Paris… ou à Maurice, retour différé.
Les mouches bourdonnent autour de la vaisselle à faire. Vite ! Cet après-midi le temps va se dégrader. Avancer les tâches nécessaires pour mettre à l’abri la vaisselle, les appareils électriques. Ne pas attendre que le ciel se couvre à nouveau, nous cinglant de giboulées.
Ma plume, pourtant, s’attarde à glisser sur la page des mots de rien. Écriture dann tan siklone, pied de nez aux vents.
8 heures passées ! Un voisin déverrouille son portail ; il va quérir de l’eau, du pain ?
Petit bruit de gouttes dégoulinant de je ne sais quel auvent. Rideau des dracénas s’agitant un peu…
Décrire ce qui ne se passe pas. Comme si je m’évertuais à raconter le cours du temps Chronos, celui qui se déroule imperceptiblement. Invisible et puissant, altérant mon âge au passage.
Allez ! Quand j’aurai trouvé l’origine de cette goutte, je me lèverai… procrastination.
Ah ! On dirait… Non ! Rien qu’une mouche à observer, un chat qui tousse — il a un bonhomme dans la gorge ?
Sur la portée des fils électriques, les oiseaux toujours posés, bannière déployée :
POUR CAUSE D’ALERTE ORANGE, HAÏKUS DU DIMANCHE EN DÉRANGEMENT !
(14 janvier 2024)
Une nuit cyclone
Fourrée au vent, à la pluie
Les sons amortis
Racoquillée sous la couette
Vivre un exo cauchemar
Alerte rouge. Confinés jusqu’à mardi ! Et si je prenais la consigne à la lettre ? Laisser les volets clos et… grasse journée. Réflexions à la minuit.
Le réveil en alerte violette. Surenchère ? Cyclone qui pourrait être intense… intense… intense… angoisse distillée.
Entrebâillements
Branches courbées jusqu’à terre
Deux poc-poc orange
J’ai refermé illico les volets. Ne pas prendre de risque. Méditer sur les couleurs du temps.
Jaune et violet sont couleurs complémentaires. Ne pas craindre de les associer, porte-bonheurs.
Couleur violette du confinement complet, à l’écart des autres. Retrait au plus profond du soi. Le vent peut bien souffler de plus en plus fort… là tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté.
Un stylo — encre violette —, une feuille de papier, un haïku à plier comme un origami, que demander de plus !
Mon entourage s’inquiète un peu pour moi. Tu vas rester seule ?
Seule, oui… le météore effrayant s’adoucirait-il si je me trouvais en nombreuse compagnie ? Au contraire, les angoisses de chacun ne s’additionneraient-elles pas, en égrégore d’épouvante ? Ressasser les Firinga, Hyacinthe, Jenny… et siklone karantuite ma fiy !
Je suis à l’abri, la maison en pénombre crépusculaire, j’ai la chance d’avoir l’électricité pour faire sortir mes mots du fénoir.
Quand le jour se confond avec la nuit.
(15 janvier 2024)
Cyclone essuyé. Ressuyé.
Cyclone sur mon café
Celui-là, je l’ai avalé
Débarrassé des quelques branches arrachées, le jardin retrouve son aspect tranquille. Comme s’il ne s’était rien passé, juste quelques escargots noyés.
J’ai hérité d’un seau rempli de mangues vertes — le manguier du voisin — à transformer en rougail, en achards… si j’en ai courage.
Il me faudrait acheter des bocaux en verre, un couteau économe, des boîtes pour congélation…
L’existence reprend son cours familier de listes de courses, liste de tâches ménagères à effectuer.
Je rêve de trouver une échappatoire plus intéressante, plus drôle, comme ravine sortant de son encaissement coutumier et déboulant en pleine rue, en plein champ, en pleine maison… Oups !
Me laisser emporter par l’écriture, cette fille aux cheveux bleus qui me fait bouillonner l’imaginaire.
Se perdre en petits travaux terre-à-terre, que de temps englouti dans la lenteur des gestes ; la moindre démarche demande un investissement psychique, auquel se mêle la crainte de ne pas savoir me débrouiller de ces diables de machines.
Mon penchant koufi-koufou qui me pousse à voir toujours le verre moitié vide, à l’instar de ce personnage de conte qui ne se satisfait jamais de ce que lui accorde la providence. La seule chose importante est d’aimer ceux qui nous entourent, ce que nous faisons.
Me réjouir d’un chat qui fait sa toilette, d’une orchidée qui a tenu fleur au cyclone, d’un petit coin nettoyé, d’herbe arrachée… Petits riens qui s’ajoutent à petits riens.
Hier soir la lune, déjà plus qu’un croissant. Et le ciel était rose.
Songer à la douceur de vivre… Aussitôt me reviennent les vers de L’Invitation au voyage :
Les soleils couchants
Revêtent les champs
Les canaux, la ville entière,
D’hyacinthe et d’or,
Le monde s’endort
Dans une chaude lumière
Le poème du jour me donne la couleur du jour : hyacinthe.
Orange tirant sur le rouge dit le premier wiki que je rencontre, couleur du sang du bel Hyacinthe aimé d’Apollon et de Zéphyr, mort à cause d’une flèche du disque d’Apollon que Zéphyr dévia et qui frappa Hyacinthe à la tempe.
Et le souvenir me point de ce petit lys orange que m’avait offert la jeune fille aux yeux tristes et qui a disparu avec elle.
Mais on raconte aussi que du sang d’Hyacinthe répandu, naquirent les… jacinthes. Bleu entre indigo et violet.
Arc-en-ciel éternellement recommencé, permettant de remonter l’éventail des fréquences sans solution de continuité, la fin (rouge) et le commencement (violet), côte-à-côte.
Les temps ne sont plus
Où jacinthes de janvier
S’épanouissaient
Rayons des supermarchés
Liant nos deux hémisphères
(18/19 janvier 2024)