Bleu, blanc et... un soupçon de rouge

BLEU,  BLANC,  ET… UN SOUPÇON DE ROUGE

Dans le soleil

le ventre blanc

des oiseaux d’hiver

Bleu du matin entrecoupé de chants, un son, une couleur qui se répondent. Tout va bien…

Au loin, vacarme des moteurs, sirène d’ambulance qui se fraie un chemin parmi les bouchons. Tout ne va pas bien ?

L’heure du vent, huit heures. L’abri de la varangue.

Des fruits se sont formés au buis de Chine : petites olives qui rougiront bientôt. Non comestibles, je suppose ; ils me font penser aux poisons foudroyants des ifs, du muguet… Tout ce qui est rouge exprime danger.

Autrefois, on nous interdisait de jouer avec les grappes de baies rouges aux pié lansan qui foisonnaient en bordure des cours. « Marmay, mète pa sa dann out boush ! »

Fausse alerte puisqu’aujourd’hui on consomme les « baies roses » du faux poivrier et que, de tout temps, les abeilles y font leur miel à la saison des fleurs.

On l’appelait pied l’encens et son nom évoquait pour moi les parfums sacrés émanant de l’encensoir à l’église : myrrhe et encens, oliban… Ce matin je découvre son nom latin : shinus terebenthifolia je me rappelle le parfum des feuilles froissées… essence de thérébentine, utilisée comme décapant, voilà ce qui expliquait la mise en garde des parents.

J’aime bien retrouver l’origine des mots créoles, j’aime bien les écrire avec une graphie qui la révèle parfois.

Ce qui m’a valu un holà d’une jeune personne s’écriant que le mot jarlor vu dans un de mes textes, n’existait pas. Elle n’y avait pas reconnu le zarlor plus couramment usité en créole pour désigner un trésor.

L’emploi du j renvoie à la jarre originelle, c’est là qu’on enserrait ses pièces d’or avant de les enterrer à l’abri des voleurs : croyance fermement enracinée dans l’imaginaire créole. On parlait souvent autour de moi de tel ou tel qui était tombé sur une de ces jarres d’or en fouillant ses patates. Il parait même que dans le lopin de terre que Grand-mère possédait à L’Etang-Salé, nana ki di ma fiy… Mais la pauvre Aglaé n’en a jamais vu la couleur, bien sûr !

Rêve de richesse devenant mythe comme pour le fameux trésor du pirate La Buse… mais là, il s’agirait d’une malle remplie d’or et de diamants ! Rien que ça !

Ah ! Revenons sur terre ! Les « jarlor »peuvent se briser comme pot au lait de la laitière de La Fontaine

« Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même,

Je suis Grosjean comme devant. »

Mon ti jardin la                        Mon petit jardin

somanké na in jarlor                            peut-être un trésor enfoui

sou rasine piémang                              au pied du manguier

guète solèy i fé koudziè                        oh ! le soleil fait briller

sanm la kol kriptoméria                        résine au cryptomeria

(25 juin 2024)