Schubert et les mots
SCHUBERT ET LES MOTS
Étoiles naissantes
elles se voient davantage
les fleurs du benjoin
Commencer l’écriture journalière par quelque chose d’optimiste, de souriant ; repousser les chausse-trapes des idées vieillies, mal équarries, des craintes de chaos. Parfois, cela relève de la méthode Coué.
Mais pourquoi se faire souci puisque la maladie de l’un n’a pas progressé, puisque la chute de l’autre n’aura pas de graves séquelles… Puisque je suis debout ce matin, que je vois, que j’entends, que j’ai perspective d’écrire, de rajouter un chapitre à mes inachevés dormants. Quelle valeur accorder à ces pages enfouies ? Puis-je m’en targuer comme faisant partie de mon œuvre ?
On publie bien (et on joue) les symphonies inachevées ; en elles se déploie la nostalgie de l’inaccomplissement, l’émotion d’un éphémère désir. Celle de Schubert, écoutée un soir de dimanche, à la télé, en ce village de Charente, l’an dernier… comme elle m’a laissé une impression de beauté, de dépassement ! Se sentir plus intelligent quand s’ouvrent les portes d’un univers musical que l’on ressent à sa façon.
Ce soir-là, un musicien bienveillant nous en expliquait les enchaînements. Je n’ai sans doute pas compris tout ce qu’il avait à dire mais il m’a guidée sur la piste d’une interprétation, d’une appropriation.
C’est là, mission essentielle de l’art : titiller cette étincelle de conscience que nous portons en nous, qui nous met parfois hors de nous-mêmes, position d’extime quand notre intime rejoint celui d’un créateur.
Ce que j’écrivais à ce propos en septembre 2023 (extrait de Ici, là, carnet de voyage inédit)
Symphonie inachevée. La musique de Schubert
nous suspend au bord du vide notre néant familier.
Ma sensation de mieux approcher du das ding
La Chose qui m’épouvante, des psychanalystes.
Écrire, n’est-ce pas se fabriquer une boîte aux trésors, de ceux que l’on peut retrouver dans l’intact émerveillement qu’ils ont engendré ?
Le jardin est lui aussi boîte à merveilles toujours renouvelées, jour après jour, au gré des trois cent soixante cinq saisons d’une année.
Un rayon de soleil
se répand sur mes mots
nuages tout blancs
(17 juillet 2024)