Sur un poème d'Aragon
SUR UN POÈME D’ARAGON
Boucle sur mes lèvres
le poème d’Aragon
jour couleur d’orange
demeure espoir que reviennent
les mots pour chanter la vie
Petits nuages épars et oiseaux. La crête des monts déroule ses contrastes d’ombre et de lumière en un somptueux velours vert. Le soleil, encore en son premier éclat de jeune prince qui s’éveille, nous laisse goûter la fraîcheur d’un matin de juin après solstice. Les jours rallongent.
Le monde tient encore debout par son tempo préservé : le soleil apparaît, le soleil disparaît, énième jour de création… Dieu vit que cela était bon.
Zarboutan pour la fré dans le cœur. Ah ! Mes derniers jours sur terre — il n’y en a plus pour très longtemps —, pourquoi faut-il craindre qu’ils soient endeuillés de haine résurgente et de chaos ?
Douceur au réveil
mon café moka léger
passe… nostalgie
Dans les rues, les manguiers pailletés de rose et d’or ; une mangue s’arrondit sur mon vieux pied la cour. Kigo de la semaine.
Pour aller voter
les manguiers des rues tout en rose
baume pour le cœur
Et puis, songer déjà aux mots de saison pour la semaine qui vient. Ce qui fera kigo austral, en réalité, sud restreint à l’île, au lopin de jardin.
Faire fi des atermoiements, des distorsions, des crève-cœur que nous inflige une actualité boiteuse. Le kigo n’est-il pas justement l’élément pérenne de la vie telle qu’elle fut au commencement, celle qui échappe aux errements humains ?
Dans son essence, en tout cas. Sur mon chemin, quel brin d’herbe de saison rencontrerai-je ?
Les liserons bleus qui faisaient guirlandes au métallique entourant le terrain vague — à bâtir ! — se sont fanés. Je suis sûre que les graines qui se sont implantées là, viennent de chez moi. Merci les oiseaux !
En retour, dans un pot, cette plante aux fleurs jaunes, aux fruits en forme de lampions. J’ignore son nom de « mauvaise herbe » ; elle me dit que chaque jour est un jour de fête.
Écrire, c’est être attentif à ce qui demeure soleil au fin fond de l’âme quand tout semble basculer du côté de l’ombre.
Un jour pourtant un jour viendra couleur d’orange
Un jour de palme un jour de feuillages au front
Un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche
Ce poignant poème d’Aragon — porté par la voix de Ferrat — me lancine en ces jours graves et remplis d’inquiétudes. (28 juin 2024)