Le temps des sables

Publié le par Monique MERABET

Le temps des sables
Le temps des sables

050125

 

LE TEMPS DES SABLES

 

Plaine des Sables

le temps lent et majestueux

confine au sacré

pierres qui semblent prier

dieux remodelant le monde

 

La Plaine des Sables dans sa pérenne beauté, telle qu’elle vit dans ma mémoire, telle qu’elle m’était apparue à ma dernière visite, il y a dix ans. Éternelle grâce de ce qui était, hier.

La montée spiralée à travers les brandes aux verts lumineux, laisse aux voyageurs la surprise de la découverte.

Tout à coup, le regard embrasse l’arène de poussière rougeâtre, bordée de pitons. C’est là qu’on descend.

En bas, la route caillouteuse épouse la géologie des scories environnantes.

 

Bringuebalement

chemin de tôle ondulée

halo de poussière

gageure des doigts traçant

haïku indéchiffrable

 

Soleil ardent et vent frisquet. Solèy i poik, la fré i lingue. Les sables de La Plaine sont aussi arides que ceux d’un désert. Mais rien d’uniforme engendrant l’effroi et l’ennui. On bute toujours sur un affleurement de lave tarabiscotée, une statuette mystérieuse à tourner, retourner, afin de lui donner sens. Parfois un petit caillou brille d’une incrustation de quartz (mais tout ce qui brille est-il quartz ?). J’en ai ramené quelques-uns dans mes chaussures… n’en dites rien à personne !

Jeu de piste, indices fournis par le Dieu Volcan, celui qui nous créa île si belle. Je la suivrais sans m’arrêter pour une hypothétique quête, guidée par ce brouillon d’humains, d’animaux, de dieux à peine ébauchés, peut-être esprits du feu piégés en formes tourmentées du magma qui refroidit.

De place en place, on décèle la présence rabougrie de plantes xérophiles : marguerites folles, pissenlits, brandes, fougères « brûlées », voire plante grasse non identifiée. Nos pieds les découvrent avant nos yeux.

 

Se pencher pour voir

la fragile plante sèche

au soleil, au vent

dans la poche du k-way

deux minuscules dunites*

(*les dunites sont des pierres d’origine volcanique avec une forte proportion d’olivine)

 

Et puis en apothéose finale, la traditionnelle pause au Pas de Bellecombe* : vue sur les cratères et le damas de laves cordées.

 Le piton d’en face semble cyclope me tirant la langue. Non, non, je ne me risquerai pas sur l’abrupt sentier… comment le remonterais-je ? Je me contenterai des bribes de dallage à mes pieds, d’une avancée rocheuse pour m’asseoir et du joli bébé-licorne apparaissant sur mon cliché.

 

Mes pas chancelants

chapeau tombé sur mes yeux

j’hésite un peu

« Vous voulez que l’on vous guide ? »

demande le randonneur

 

*On oublie toujours d’associer à Bellecombe, le nom du vrai découvreur, l’esclave Jacob. C’est lui qui a frayé le passage. Cela me fait penser à l’expression « tirer les marrons du feu ». on pourrait dire en créole : « Zésklav i trime, lo mète i fé lo kok »

À l’homme dépouillé de son nom, de ses racines, aucun mérite n’est accordé.

 

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