Des chats dans ma tête
250410
DES CHATS DANS MA TÊTE
Ciel inconsistant
la ouate des nuages
retient la lumière
Clarté tamisée du matin. Le soleil se lève de plus en plus tard et se couche de plus en plus tôt. Balancement des saisons.
Lever : 6 h 27, coucher : 18 h 10, dit l’éphéméride du 10 avril.
Moi, dans mes septantaines, je dois accepter d’avoir besoin de plus en plus de temps pour me réveiller. Rien ne sera plus jamais … comme avant ?
Le jardin immobile et muet me regarde (me toise ?), l’air buté. Il ne fera pas d’effort pour me dérider d’un papillon, aujourd’hui.
D’ailleurs, où êtes-vous les oiseaux ? Je scrute en vain le réseau de câbles porteurs d’ondes ; il s’étoffe à chaque modernisation puisque les fils devenus inutiles — la 2G n’existe plus, Madame, veuillez passer à la fibre —, sont laissés en place.
Diversité des diamètres, me faisant penser à une portée de cordes d’un instrument à inventer. Chaque corde du luth céleste ne donne pas la même vibration quand le bulbul vient s’y poser ; je choisis le bulbul parce que son chant est le plus mélodieux.
Les nuages restent indécis et flous. Comme mes idées. Comme si un chat se promenait dans ma tête.
Les gros nuages jouent
à la ronde dans ma tête,
chat brumeux qui se disloque,
chat peluche qui s’effiloche
Extrait de « balades à dos de nuage », recueil bilingue que j’ai écrit avec la collaboration de Huguette Payet. Voici la version créole qu’elle en a donnée :
Dan mon tèt na in niaj
In niaj bien ron
Parèy in matou lé saj
Joli patapon…
Toudinkou li fé gro do
Alala la minèt
Mon doi i trouv pi lo do
Si mon klarinèt
Zot dè i joué sote-mouton
Moin mi joué gardien ;
Mi vèy bien mon dè dalon
Niaj, si zot i arvien
A la ronn bann ti mimite,
Astèr vien dansé.
Nana in niaj zizite
Andsou mon boné.
Ah ! L’amie Huguette qui perd la mémoire ! Il n’est que justice de lui en restituer un peu par le biais d’un poème.
J’ai toujours aimé l’écriture à deux, comme une correspondance entre âmes âmies. C’est bien pratique quand sa Majesté Jardin entre en méditation bonèr granmatin konmsa… laissant mon imaginaire en jachère.
Vide ou vacuité ? L’écriture se creuse méninges lexicales pour en décrocher quelques mots ni pires, ni meilleurs que ceux d’hier. Paroles… Paroles… Paroles…
L’oiseau revenu. Un frémissement se répand aux feuilles nouvelles qui n’ont pas encore appris à danser. Feuilles d’un si joli rose aux cerisiers !
Les chats nuages, roux, noirs, écaille de tortue, sont redescendus à mes pieds. Ils me tiennent compagnie, je leur tiens compagnie.
La vie toujours duale. Regarder par le bon côté.