Arbres dans la brume
250511
ARBRES DANS LA BRUME
Lorsque la brume chiffonne
Son lourd manteau de laine
Sur les épaules de la forêt
Les grands arbres frissonnent,
Désorientés.
Terre et ciel se confondent.
Ils ne savent plus vers quel monde
Se tourner.
Il suffit qu’un oiseau paraisse
Et, d’un envol gracieux
Troue la cape épaisse
Pour leur montrer la route des cieux.
(extrait de L’arbre chanson, M. Merabet, Editions Surya)
Arbres dans la brume
mon poème d’autrefois
Forêt de Bébour
étrange réalité
qui est ici maintenant
Une fois quitté l’écrin de verdure, elle aura disparu. Brume, écume de brume de quelque chose qui, à la fois existe et n’a jamais existé.
J’aime ce jeu d’illusionniste, « Cache-cache… Je te vois ! ». « Kashiète… alala » des petits enfants qui savent que là est l’essence de la vie et qui la chantent de rires innocents. Jeu de miroirs où se reflète à l’infini la surprise d’être.
Lacets de la route
j’ai vu tant de liserons
plus bleus qu’indigo
l’indéfinissable teinte
d’un rêve de créateur
C’est pour ces volubilis que fut engendrée la septième couleur… en misouk, à l’insu du Créateur. Entre bleu et violet, la fréquence échappe aux étalonnages scientifiques, onde sacrée qui ramène à l’ordre des cieux : septième ciel, septième son, septième ton.
Harmonie d’un repentir de créateur au septième jour.
Et quoi de mieux que la brume pour nous bringuebaler de tohu-bohu en Genèse !
Les arbres perdus retrouveront la direction d’En-Haut… en suivant l’oiseau.
Frissons sur mes bras
les gouttes en suspension
sont-elles rosée d’âmes ?
Marrons rôdant aux pitons
là où sont leurs sépultures
Âmes inaccomplies, issues de la forêt. Un des cœurs de l’île. Sous le couvert épais, l’ossature d’un volcan. Néna des millions d’années…
Dieux de brouillard inconsistants qui se dissipent et reprennent formes, mouvement perpétuel de vie en gésine.
Lot koté laba.
lo fè volkan la fé kay
Bondiè dann galé
su in gran savane la sabe
lo van fré i pass balié
La même origine : magma venu du centre de la Terre, planète en ébullition. Brasier qui flambe encore, remue-ménage intérieur du trémor, expectorations puis le silence vert d’une végétation.
Demander à l’île si elle préfère sa peau suintante de verdure ou son derme boursouflé de laves refroidies et nues, est question purement rhétorique. Seuls les touristes se permettent d’aimer ou pas. On ne lui a pas donné le choix à l’île, comme on ne choisit pas le lieu de sa naissance, ni ses gènes, ni sa couleur de peau.
Petit frimas d’inquiétude, d’insécurité au sein de ce nulle part ailleurs, de cette terre sacrée qui engendra nos ancêtres, temple où ils psalmodient encore.
Tout cela que nous quitterons pour redescendre — Aïe ! Oreilles qui se bouchent — vers les mastabas de béton dévolus aux fièvres citadines, désirs d’or et d’argent. Là où se fane le goût de vivre.
Rendez-vous est pris
pour un prochain pique-nique
au giron de l’île
jour de soleil ou de brume
la nature sera fête