Des iris pour Emily Dickinson
251011
DES IRIS POUR ÉMILY DICKINSON
Émily Dickinson (1830-1886) : poète américaine dont le livre de Dominique Fortier, Les villes de papier est une biographie imaginée.
Elle est morte en plein jeu —
A dépensé d’un coup
Son lot d’heures mouchetées
Puis s’est laissée tomber, gaie comme une odalisque
Sur un sofa de fleurs
(Émily Dickinson, dans une traduction de D. Fortier)
Des iris d’hier
ne restent que fronces brunes
faut-il faire deuil ?
Les iris réduits a quia. Juste des petits bourrelets marron, là où dansaient les fées et les grâces.
Témoignage d’une fête qui n’aurait pas eu lieu.
Les mots disent les choses, les créent peut-être. Prouvent-ils qu’elles ont existé ?
Le monde peut être remplacé, recréé, anéanti par les mots. Il existe de l’autre côté de la fenêtre, ce qui est une autre façon de dire qu’il n’existe pas.
(Dominique Fortier, Les villes de papier)
À moins de regarder par la bonne lucarne, celle qui ouvre sur l’émerveillement, sans le regret de la fête qui n’aura pas lieu : occasions ratées, ouvrages enclos en leurs tiroirs secrets, resserrés en univers de papier.
Le livre de D ; Fortier regorge de réflexions sur l’écriture, sur les motivations qui nous poussent à dessiner ces lettres, à donner sens aux agrégats ainsi formés.
Pourquoi publier, si ce n’est pour la vilaine satisfaction de découvrir son nom dans un livre, dans le journal […]. Écrit-on jamais pour les autres ?
Dominique Fortier, Les villes de papier)
De son vivant, Émily Dickinson n’a pas été publiée, hormis une poignée de poèmes.
Émily écrit sur le monde qu’elle habite tout en sachant qu’il serait plus beau si personne n’y habitait.
(D. Fortier)
On sait si peu de chose de cette femme vouée au blanc, qui s’est retirée dans sa chambre comme dans un carmel sans Dieu ; elle ne consentira à être femme que par intermittence :
Quelques jours par mois, je serai une femme. Le reste du temps, j’écrirai.
Quoi qu’il en soit… elle aurait aimé mon jardin à l’orchidée blanche ; elle aurait écrit tombeaux pour les iris qui ne durent qu’un jour.
Regards par milliers
il garde toujours ses charmes
mon jardin créole
/image%2F0790139%2F20251012%2Fob_ab1784_20251010-153234.jpg)