PLAIDOYER D'UNE DECOUPEUSE

Publié le par Monique MERABET

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PLAIDOYER D’UNE DÉCOUPEUSE

(Ida BARBIER)

 

 

Mais pourquoi ne voulait-il pas me laisser faire ? Que faisais-je de si mal !

Un rond de feuille pour faire mon logis. Une découpe à la géométrie presque parfaite et qui ne dépare nullement la plante. Elle n'en souffre pas plus que ça. Pour preuve. Les feuilles restent toujours bien vertes quoique trouées. La plante fleurit normalement.

 

Rien à voir avec les trous qu'il fait dans les paysages. Trous pour récupérer des pierres. Immenses espaces borgnes et sans vie qu'il appelle « carrières ». Trous dans le sol pour piller les richesses qu'il contient. Il appelle cela « galeries ». Et je pourrai allonger la liste presque à l'infini. Des paysages qu'il bouleverse et déséquilibre à jamais.

 

Pas de pschit'. Pas de produits infâmes pour l'empêcher d'agir. Rien pour le tuer. L'exterminer.

 

Pour nous, si. Pour mes semblables oui.

 

Je découpe et roule un morceau de feuille dans ses rosiers, dans ses fleurs ornementales et je deviens son pire ennemi !

 

 

A-t-il oublié ?

 

Je n'ai pas voulu lui faire de mal. Je n'ai pas voulu le tuer. Je n'ai pas voulu le piquer simplement venir lui dire dans le creux de l'oreille qu'eux aussi, avant – quand ils n'étaient qu'un petit maillon de la chaîne - ils ne prenaient qu'un peu. Que ce peu leur suffisait et que la face du monde ne s'en trouvait pas changée, bouleversée pour autant.

J'ai seulement voulu lui faire remonter le souvenir de ces temps-là. Les Temps Anciens dont sa mémoire décidément n'a guère l'air d’avoir conservé une quelconque trace. Et c'est pour cela que je me suis dirigée vers lui avec force. Et c'est pour ça que je me suis introduite dans son oreille droite. Celle qui écoute et qui comprend. Je suis entrée peut-être trop violemment car il n'entend que mes bourdonnements. Eh oui, je ne peux plus ressortir. Je suis allée trop profondément.

 

Il m'appelle « à coup fén' ». Je ne voulais pas lui donner de coups. Mais lui, si, il m'en donne des coups et de rudes parfois. Il frappe son oreille croyant me déloger, ou presse fortement sur son conduit auditif pour stopper mes bourdonnements.

 

Je m'appelle Mégachile. Il m'a toujours ignorée.

Il ne veut pas m'écouter. Alors, il ne m'entend pas quand je lui hurle de se souvenir du temps où...

 

Aïe !... Mais il finira bien par me tuer et jamais il ne se rappellera de ce temps-là. Il est perdu et sa conscience il la perdra encore plus. On dira sûrement qu'il est fou que ces bruits dans sa tête l'ont rendu fou.

 

Pourquoi n'a-t-il pas voulu se souvenir de ses vies antérieures.


INFO PAT' PANTIN: Le prochain thème est: LE SECRET. Le Club Pat' Pantin se réunira pour lecture des textes le samedi 22 Août 2009 

 

 

 

Publié dans L'OUBLI

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C
Bravo pour l'humour<br /> le coup del' "à coup fèn"m'a bien plu et l'histoire intrigue au départ;en fait elle provoque presque des démangeaisons d'oreille.<br /> claude Guillon-Labetoulle.
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I
Merci de vos commentaires.<br /> Miracle d'un mot sur lequel on essaie de se concentrer un peu. A force des flashes puis une chose que l'on voit puis un film qui se déroule un peu farfelu mais c'est la magie qui opère après. Alors on se laisse guider et on trouve sympathique cette petite abeille qui veut nous réveiller, on l'adopte et on veut la faire partager.<br /> Vous l'avez aimé. La voilà toute heureuse ! Fera-t-elle comme les poules, sa petite série ?<br /> Mystère.
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B
Original et plein d'humour!<br /> C'est super sympa et incite à revenir aux bonnes vieilles méthodes!!!
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M
Une histoire très originale. Bravo Ida!
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