Chambre (11)
PERVERSITÉ ?...
(Joëlle BRETHES)
C'était un vendredi soir à l'artothèque de Saint-Denis où j'assistais au vernissage d'un peintre obscur dont j'ai oublié le nom. Nos regards s'étaient croisés. Son sourire s'était figé, le mien aussi, d'ailleurs, et elle s'était écartée. Je l'avais suivie de loin et j'avais attendu quelques minutes avant de la rejoindre dans l'espoir de nouer connaissance et... un peu plus si affinités.
Je ne suis pas un de ces infâmes Dom Juan qui écument les lieux de rendez-vous littéraires ou artistiques pour essayer de lever du « gibier ». Je suis un garçon bien élevé, plutôt timide, et respectueux du beau sexe.
Bref, mes intentions étant honnêtes, je l'ai abordée avec courtoisie et, une fois les banalités d'usage échangées, j'ai réussi à apprendre quelques petites choses sur elle et par en glisser quelques-unes sur moi. J'ai à peine insisté pour obtenir qu'elle m'accompagne le lendemain au jardin de l'Etat où elle n'était pas retournée depuis la fermeture du site pour rénovation. Nous devions en profiter pour visiter l'incontournable muséum, à l'extrémité de la grande allée principale.
Nous avons côte à côte, en silence, fait le tour du jardin puis celui du rez-de-chaussée du musée avant de monter à l'étage. Visiblement troublée, elle fuyait mon regard. Mon coeur était en ébullition, cherchant une raison à cette gêne intense. Se pouvait-il qu'elle aussi...
Sans doute !
Se pouvait-il aussi, (mais était-ce possible en ce début de 3ème millénaire pour une jeune fille de vingt-quatre ans) qu'elle fût... innocente ! Cette hypothèse m'intimidait autant qu'elle flattait mon orgueil de mâle.
Il me fallut presque une semaine pour lui prendre la main, et trois de plus de plus pour réussir à l'enlacer et à lui effleurer les lèvres d'un baiser pourtant chaste.
Je commençais à me demander si elle était lesbienne ou frigide jusqu'à notre premier pique-nique à l'Anse des Cascades.
Elle était, je le reconnais, un peu pompette suite à une bouteille de champagne éclusée à deux, quand elle posa sa tête somnolente sur mon épaule. Je m'enhardis en la calant plus confortablement contre moi puis en laissant ma main effleurer son épaule puis, insensiblement, glisser vers...
- Pas maintenant. Pas ici, m'a-t-elle stoppé net en enfonçant pourtant davantage sa tête au creux de mon épaule.
« Pas ici et pas maintenant ! » je pouvais donc espérer un ailleurs, plus tard. Elle s'est assoupie tandis que je rêvais à la suite probable des événements en regardant le ciel s'assombrir et en écoutant le chant de la cascade se mêler au battement de la mer sur la minuscule plage de sable et de galets.
- Chez toi ou chez moi ? lui ai-je demandé dès l'entrée de Saint-Denis.
Elle a eu un regard désespéré, puis après avoir rosi et hésité, elle a accepté de me suivre dans mon deux-pièces du centre ville.
- Éteins la lumière s'il te plaît, a-t-elle demandé après avoir parcouru la chambre d'un regard craintif.
J'étais un peu déçu par cette réaction : depuis que je l'avais rencontrée et que j'espérais l'attirer dans mon appartement, j'avais refait cette pièce à neuf : jeté de lit vert amande, rideaux vieux rose et chevets assortis...
- Éteins la lumière, a-t-elle répété.
- Pourquoi ? Aucun voyeur n'est caché sous le lit pour nous regarder ou pour prendre des photos ! Et je peux t'assurer qu'il n'y a aucune webcam branchée pour nous filmer... Allons, viens ! Ai-je dit en domptant les battements impatients de mon coeur.
- Éteins quand même ! a-t-elle supplié d'une voix à peine audible.
Ça semblait important pour elle, et c'était notre première fois. Je l'ai donc embrassée et j'ai obéi. J'ai également tiré les rideaux pour masquer l'éclairage de la rue et j'ai avancé à tâtons vers elle.
Elle attendait, figée, là même où je l'avais abandonnée pour arranger la pièce selon ses désirs.
Je l'ai serrée longuement contre moi, puis je l'ai caressée et embrassée jusqu'à la sentir, enfin, devenir toute molle. Sous le tee shirt, elle portait un soutien-gorge en dentelle que je n'ai eu aucun mal à dégrafer ; elle n'avait rien sous son sarouel...
Sa peau était douce et je ne me lassais pas de passer et repasser la main sur l'orbe de ses seins, les fuseaux de ses cuisses, l'étendue plate mais moelleuse de son ventre lisse, le... Je n'en pouvais plus, il fallait que je la voie.
J'ai tendu la main derrière moi, vers l'interrupteur.
- Non ! a-t-elle crié.
Trop tard... J'ai entendu un drôle de craquement et j'ai vu le sol se gondoler, se soulever...
Elle s'est précipitée vers le lit, a filé sous la courtepointe... et tout s'est arrêté. Ses yeux étaient remplis de larmes.
- C'est pas ma faute, a-t-elle hoqueté. Je t'avais dit qu'il ne fallait pas.
Une chambre en érection ! Incroyable, n'est-ce pas pas ? Mais faut dire aussi qu'elle était vraiment, mais vraiment canon, cette nana-là !