Chambre (13)
La chambre
(Colette DESCHAMPS)
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Le jeune homme s’assit à l’entrée de la chambre Il n’avait pas fermé la porte. Avait-il même réalisé qu’elle avait une porte ?...Il ne cessait d’admirer cette immensité de dix mètres carrés qui serait son lieu de vie pendant une année scolaire .Tout lui semblait si beau, si propre, si personnel. Il avait du mal à l’intégrer: il lui faudrait du temps pour se l’approprier.
Les murs blancs, où il était autorisé à coller un poster-il trouverait une vue de Hong -Kong, sa ville. Le grand bureau, où il pourrait installer ses dossiers. Il se leva, alla à la fenêtre qui dominait le parc. En pleine ville :… pas de béton en face de lui !...Le lit, son lit…Il s’y allongea délicatement et eut l’impression de s’enfoncer à n’en plus finir. Rapidement, il se releva et se dirigea vers l’armoire : elle aussi lui parut immense. Son blouson, son unique veste, ses deux pantalons…tous ses trésors vestimentaires se perdraient dans ce vaste espace…Mais il était ravi. L’étonnement allait de lui à moi, en ricochets. Il me regarda de son beau regard d’enfant émerveillé et finit par m’expliquer : A vingt deux ans, c’était sa première chambre personnelle. Il sortait d’un F2 familial au sommet d’une tour, d’un bouquet de hautes tours, à Hong- Kong. Chaque soir, chacun déroulait sa natte sur le sol : le père, la mère, les quatre enfants. Aucune intimité. La nuit les parents tiraient un rideau qui délimitait leur espace... Ils attendaient que les enfants dorment pour oser leur vie de couple.
…Hon Ming ébaucha un sourire : ici c’était sa chambre, sa première vraie chambre. …Je me retirai discrètement et fermai la porte derrière moi.
Le lendemain matin, par l’entrebâillement, je le vis par terre, endormi sur son dessus de lit…