Chambre (2)
(imag Flickr)
CHAMBRE
(Christian FONTAINE)
Qui dit chambre ? Qui dit mieux ? Chambre à air !
Je ne suis pas dedans, mais dessus pour flotter sur l’eau, descendre les rivières, pêcher des bichiques. Je ne la nettoie pas cette chambre, je la répare avec des rustines. Pour son utilisation, je dois la gonfler.
Si la pêche aux bichiques a rapporté, je chambre le champagne avant de le sabrer. Je ne suis pas chambrier et quand les bichiques ne montent pas, je me fais valet de chambre et c’est comme ça que j’ai rencontré ma chambrette de femme. Je suis un gagne-petit dont les lendemains sont souvent moroses.
Je m’habille modestement : ma chemise n’est pas de chambray, mais de gros kaki qui résiste à l’usure du temps. Pêcheur, je ne peux m’offrir n’importe quoi. Parfois je me dis que la vie est trop dure et je pense à la chambre à gaz. C’est toujours une chambre à air, mais il est vicié. Allez, pour chasser les idées noires, j’ouvre toute grande ma chambre pour l’aérer.
Ce matin je me lève, quitte ma chambre et pense à une autre chambre et même à deux chambres. C’est grâce à elles que je vous vois. Elles sont entre la cornée et l’iris, remplies d’humeur aqueuse. Rien que ça devrait nous mettre tous de bonne humeur. J’ai appris tout ça chez l’oculiste pour mon opération de la cataracte.
Je suis content de ma chambre avec ses neuf mètres carrés. Celle de Wilson est ridicule. D’ailleurs elle ne sert qu’à photographier la trajectoire de particules élémentaires. Je ne vous livre là aucun secret d’alcôve. Les scientifiques sont gens sérieux d’ordinaire, mais un jour je me suis demandé s’il n’y avait pas un peu de lubricité chez certains. Un jour cherchant à déterminer le point G, ils ont demandé à un couple de faire l’amour dans leur tube à scanner. Ils le faisaient tous pour la science ! Mon œil ! Ma chambre !
Ce soir je regagne ma chambre. Elle est froide. Ouille ! Je ne bouge plus : comme une carcasse de bœuf dont l’avenir est de finir en boîte !