Chapeau (5)
Chapeau
(Christian FONTAINE)
Un chapeau pourquoi faire ? Pour se couvrir, pardi ! Pour se protéger du soleil ! Oui mais encore ! Pour chasser les cabris ? Pourquoi pas ! Roussin nous a dessiné un chasseur de cabris « marrons » avec son chapeau sur la tête. Pour se faire belle peut-être ? Oui mais aujourd’hui il est avantageusement remplacé par un petit « langouti », mais je préciserai cela tout à l’heure.
Que dit mon dictionnaire sur ce thème ? Je l’ouvre et le premier mot qui apparaît est le mot « chape ». J’entends parfois les bâtisseurs dire : « Maintenant, on va mettre une chape de béton sur la maison et puis il faudra attendre qu’elle sèche. » C’est un moment délicat de la construction de la maison. Chape vient donc du bas latin « cappa » signifiant capuchon, manteau. Notre capuchon d’aujourd’hui peut être imperméable, protégeant la tête et le corps de la pluie. Et pour écrire ces quelques mots, j’ai dû retirer le capuchon de mon stylo.
Le mot suivant est chapeau. Plus personne aujourd’hui ne voit la parenté avec « chapelle » qui vient du latin « capellus et cappa », partie de l’église où l’on gardait la chape de Saint-Martin. Il s’opposerait à bonnet. Il valait mieux ne pas se faire remarquer avec son bonnet d’âne, qui couvrait la tête des mauvais élèves.
Des chapeaux d’hommes, nous en connaissons de toutes formes et de toutes matières. Pas de canotier sans penser à Maurice Chevalier. Mais aussi chapeau claque ou feutre, lequel autrefois chez nous finissait sous les pieds de nos mères qui astiquaient leurs parquets. Hauts de forme qui vous donnaient un air de grand de ce monde, amoureux du théâtre ou autre mondanité. Chapeau melon… et bottes de cuir, est-on tenté d’ajouter, car le film qui porte ce titre nous vient d’Angleterre comme le sombrero nous vient du Mexique.
Certains vont dire que je ne travaille pas beaucoup du chapeau.
Et les chapeaux de femme me direz-vous ? Les paysannes françaises portaient le bavolet qui comme son nom l’indique est constitué de bas et de volet, un peu comme les casquettes blanches de nos sportifs qui « emparent » bien le soleil, sur les côtés et le derrière de la tête.
Les règles de savoir-vivre précisent qu’il est mal vu de passer à table avec un chapeau sur la tête. Je dirai pour résumer, pas de « cabriolet » (c’est un chapeau, oui !) en dégustant un cabri au massalé. Mais on peut prendre une douche et ne pas vouloir se mouiller les cheveux, alors on s’affuble d’une charlotte. Et n’est-ce pas curieux aussi de voir le chirurgien et ses assistants encapuchonnés de la même façon ?
Pour élire le pape, il faut avoir reçu le chapeau et l’on est devenu un prélat quelque peu onctueux dont on baise la main garnie d’un anneau christique.
Certains chapeaux nous sont devenus très familiers, car on en trouve même dans nos jardins. Eh oui, certaines petites fleurs rouges sont si évocatrices des coiffes asiatiques qu’on les surnomme chapeaux chinois. Préférant cultiver mon jardin, je refuse de me mêler de toute politique et des hommes de pouvoir qui auront à cœur de me faire porter le chapeau dans leurs sales combines.
Le chapeau n’est plus à la mode comme au bon vieux temps où même à la plage, les femmes vêtues de longues robes gardaient leurs coiffes sur la tête. Un vent de liberté est passé depuis, et cheveux au vent, et lui offrant leurs seins nus, seul un mince tissu dans l’entrejambe fait le spectacle. Les hommes portaient tous le chapeau, sauf Botros, ainsi que nous le raconte Amin Maalouf dans « Origines » :
« A Zahleh, dans les rues de la vieille ville comme dans les cafés en plein air qui bordaient le fleuve Berdaouni, Botros ne passait pas inaperçu. Ceux qui l’ont connu en ce temps-là décrivent un jeune homme élégant, vêtu avec goût, avec recherche, et même avec un certain sens de la provocation.
Ainsi il allait toujours tête nue, ce qui faisait se retourner les gens à son passage. A l’époque, la plupart des hommes portaient les couvre-chefs orientaux, soit le fez haut, le tarbouche, soit le fez court, qu’on appelait maghrébin, soit encore la keffieh arabe, soit même des bonnets brodés ; ceux qui voulaient suivre la mode occidentale portaient le chapeau ; beaucoup, d’ailleurs passaient de l’un à l’autre selon les occasions… Mais personne de respectable ne sortait de chez lui tête nue. Sauf mon grand-père. Certains passants ne pouvaient s’empêcher de murmurer, ou de grommeler, et parfois même de l’apostropher ; ce qui ne l’a pas empêché de continuer à aller nu-tête jusqu’au dernier jour de sa vie.
Comme pour affirmer encore son originalité, il portait constamment sur les épaules une sorte de cape noire, retenue à l’avant par un anneau d’or, et qui voletait derrière lui comme une paire d’ailes. Au-dessous, un costume également noir, et une chemise blanche au col large et bouffant. Personne d’autre au pays n’avait la même silhouette, on le reconnaissait de loin… »
En Amérique Latine, on tresse les feuilles de latanier pour faire des panamas que l’on porte à Panama bien sûr, mais aussi à Paname ou ailleurs dans le monde. A La Réunion, les Saint-Pauloises d’autrefois vous faisaient de belles capelines avec le « z’herbe-St-Paul ».
Au Tampon, nous raconte Memona Hintermann, vivait Amélie Tafiki, aussi noire que maman était blanche, portant une capeline en tissu, nouée d’un fil de raphia coloré sous la gorge.
Aujourd’hui, quand vient le soir, plus personne ne raconte l’histoire du Petit Chaperon Rouge à la veillée et on n’entend plus guère ce refrain : « Ils ont des chapeaux ronds, vive la Bretagne, ils ont des chapeaux ronds, vive les Bretons. »
Mais le Réunionnais ou le Bourbonnais comme disent les Mauriciens n’a pas oublié son chanteur de rue le plus connu Henri Madoré qui lui offre en contrepartie d’un verre de rhum le petit air suivant :
« Prête a moin ton bergère »
Depuis vingt ans,
Moin lé la Rénion
Moin la passe mon temps
A faire mange bann moutons
Refrain : Prête a moin ton bergère, mademoiselle
Ah soleil lé fort
Prête a moin ton bergère, mademoiselle
Pou chasse cabri là
Mais tous les matins
Quand soleil y lève
Sous pied d’tamarin
Mi sa va dépose mon ti chèvre
Trois mois après
Quand li la fini mette bas
Mais li donne do lait
Pou la santé d’son ti baba. Christian FONTAINE 1/6/2011