Chemin de fourmi
CHEMIN DE FOURMI
Malol dann zië, j’ouvre les volets sans prendre conscience de ce qui m’entoure. Je n’ai même pas noté si les fenêtres du voisinage étaient ouvertes ou pas ; je n’ai pas remarqué cette barre de ciel bleu entre deux demi-plans sombres…
Matinée sans. Sans… Sans… comment peut-on imaginer un haïku généré par ce manque ?
« Le haïku s’attache à ce qui tombe sous les sens, moins à ce qui manque », m’écrit cette amie haïjin.
Le haïku est issu d’un état de vacuité de l’âme, voire d’une absence, pas d’une sensation de vide existentiel, d’une frustration.
Je vois la crête brillante d’un nuage et je me demande ce qu’il y a dans la masse sombre du bas, masquée par le triste horizon des toits.
Le temps de l’écrire… et, pour me faire mentir, maintenant je ne vois plus que la crête et, par conséquent tout est lumière, tout est soleil.
Lumière dorée
éclaboussant un nuage
le peintre, là-haut
Juste le vent pour me faire ressentir cette (délicieuse ?) sensation de fré sur mes pieds nus : je n’ai pas encore troqué mes savate-dë-doi contre chaussettes et ballerines : nous ne sommes pas encore en hiver, que diable !
Vivre pleinement les saisons. S’attarder à observer la petite fourmi qui pérégrine sur la page blanche d’à côté. Elle ne suit pas le quadrillage, le perçoit-elle seulement ? Elle adopte un tracé erratique, festonnant le bord de la feuille de ses hésitations. La tentation de lancer mon stylo sur sa piste d’invisibles pointillés. Et si je me faisais collectionneuse de chemins de fourmi ?
Peut-être pourrai-je y lire le destin du jour ? Pratiquer la formicamminomancie, en quelque sorte… de formica (fourmi) et camminos (chemin). Cela me rappelle l’engin inventé par le savant Cosinus de Christophe (Le précurseur de la Bande dessinée ) Ah ! ça ne nous rajeunit pas, ma p’tite dame !
Anémélectroreculpédalicoupeventombrosoparacloucycle… à vous de deviner à quoi il peut ressembler.
Moi je suis fière de la fidélité de ma mémoire pour ces événements remontant à cinquante ans en arrière.
Et aujourd’hui ?
Quelques pas
Cela suffit pour
Exister
(Monique MERABET, 17 Juin 2012)