Chez (et transports?)
CHEZ LUI
Revoir les cactus
même sans fleurs
la nature
offre parfois des merveilles
- toujours, rectifie l’enfant
Ce matin de lundi se construit à partir des souvenirs de la belle balade de ce dimanche. Hier donc, échappée belle au Conservatoire Botanique de Mascarin. Élisa, 8 ans, découvre ‘les saisons ». le jardin a changé depuis sa dernière visite. Mais tout est si beau quand même.
Soudain, dans la lumière douce de cette fin d’après-midi, je l’aperçois… tache verte sur le rebord du bassin.
Chut ! Chut ! Á contre-sens des derniers visiteurs se dirigeant vers la sortie, nous l’avons suivi, Elisa et moi, les yeux fixés sur sa démarche claudicante, sur son invraisemblable silhouette comme découpée dans de la tôle peinturlurée de couleurs criardes.
Il me fait penser à ces transports décorés dans certaines régions de l’Inde ou d’Amérique latine ; ils portent au fronton des divinités, des personnages, des animaux-totems. Mais je doute que ces camions, que ces bus osent afficher en façade cet « endormi », ce caméléon-pays célèbre sous nos cieux par la lenteur avec laquelle il se déplace.
Il déambule sous nos yeux ravis. Et sa démarche saccadée me rappelle aussi ces jouets automates qu’on met en marche à l’aide d’une clé.
Depuis toujours, il m’a fascinée, cet étrange animal à la limite du réel, de l’onirique, du fantastique. J’ai presque envie de toucher pour m’assurer qu’il existe vraiment.
Fin d’après-midi
suivre pas à pas landormi
et son ombre
Loin de chez lui, il est vulnérable ; il regarde ces étranges compagnons qui s’obstinent à le poursuivre… plus près… encore plus près. Il rêve d’atteindre le couvert des arbres, de retrouver un chez-soi où il pourra se camoufler efficacement, échapper à la curiosité voyeuse de mon appareil photo. Là, à nu, sur cette margelle de béton, il ne sait plus quelle teinte choisir. Il s’est mis en vert, la couleur de son monde habituel, la couleur des feuillages dans lesquels il peut se fondre.
Le vert du caméléon Bèl bèl landormi
au bord du bassin i aguète dann fon basin
il va sauter ? dit Elisa lï sar larg son kor ?
Par bonheur, la foule des touristes a suivi un autre chemin, sans se douter de la merveilleuse scène se déroulant à deux pas. Nous avons essayé de ne pas trop le perturber, l’ami caméléon. Mais, à bien regarder la photo que j’ai eu tout le loisir de faire, je crois qu’il n’a pas vu d’un bon œil notre intrusion chez lui…
(Monique MERABET, 5 Mars 2012)