Dimanche, on tourne... les pages (26)
LECTURES… ET POÉSIE
Relire « L’écume des jours »
combien de temps sans avoir vu
un nénuphar ?
Á l’occasion du film* sorti cette année, j’ai eu l’idée de rouvrir « L’écume des jours » de Boris Vian.
En reprenant l’ouvrage culte de mes années d’ado, presque cinquante ans après, je me suis demandé si c’était bien raisonnable de tenter ce retour aux sources de mes lectures de jeunesse, si je serais encore capable de vibrer à ces images « d’une autre époque »…
Le ciel de la nuit dernière : contours des nuages dessinant une cartographie singulière, celle d’un monde mystérieux et inaccessible, celle d’un monde d’extrême instabilité surtout. Á chaque instant, les frontières se modifient et les habitants de cet univers fantastique, doivent s’adapter. Ils changent de forme eux aussi, réduisent ou amplifient leurs volumes, peuples en constante contraction ou expansion. J’imagine.
Voilà qui me rappelle cette chambre de « L’écume des jours » : elle s’arrondit aux vibrations d’une musique, rapetisse et se ternit au gré de l’évolution de la maladie de Chloé ; il y a aussi ces maisons qui changent de couleur… L’univers poétique de Boris Vian n’a pas pris une ride.
Non, pas une ride et j’ai retrouvé intact l’enchantement d’autrefois. Et le même plaisir à accéder à cet univers tendrement absurde dès qu’il s’agit de décrire la pureté de l’amour ou férocement ironique dès qu’il s’agit de dénoncer nos dérèglements humains… inhumains plutôt.
Boris Vian a réussi à construire un monde fantastique qu’il parsème d’inventions loufoques comme ce fameux pianococktail que tout un chacun aimerait posséder… Et au-delà de ses anticipations scientifiques, que les progrès technologiques auraient pu rendre ringards c’est le souffle poétique qu’il sait insuffler à son texte qui permet à celui-ci de perdurer, de rester actuel, et de nous intéresser encore.
J’aime qu’il y ait dans toute œuvre d’écriture cette dimension poétique qui nous aide à décoller un peu du réel, à ne pas nous confiner à son caractère trop souvent violent ou tragique.
Oui, de la poésie en toute chose… la poésie avant toute chose.
Et que dire alors de ce recueil de « haïkus » reçu il n’y a pas longtemps ; il était censé proposer le regard de jeunes de six à vingt ans sur nous, les adultes… Je me suis trouvé extrêmement déçue par cet enfilage de banalités, de clichés sans la moindre fantaisie (sauf chez les plus jeunes), sans le moindre recul vis-à-vis des jugements énoncés. Mais… je n’en parlerai pas davantage ; je ne le nommerai même pas.
Je relis Vian… et Jack London.
(Monique MERABET, 30 Juin 2013)
*le film, je ne l’ai pas vu, finalement…