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HAÏGA
Peindre en poésie
(Ion Codrescu)
Ouvrage publié aux Éditions A.F.H (Association Francophone de Haïku), janvier 2012
La quatrième de couverture
L’art de l’encre, comme il est magique et quasi surnaturel !
C’est avec les six nuances de l’encre
(sèche, mouillée, claire, foncée, blanche, noire)
que le peintre tente de recréer les vibrations
des innombrables phénomènes de la Création.
Pu Yen-t’u
Le Haïga est un art qui allie poésie, calligraphie et peinture. Le poète de haïku et artiste roumain, Ion Codrescu, a reçu les enseignements de Ryuhei Nishiyama, son maître japonais. Il a soutenu une thèse de Doctorat sur le haïga à l’Université Nationale des Beaux-arts de Bucarest. Une pratique de plusieurs dizaines d’années l’a amené à la maîtrise de cet art originaire du Japon.
Vous trouverez dans ce livre cent haïgas réalisés par Ion Codrescu à partir des haïkus de poètes de quinze pays différents.
Avant-propos Itô Isao
Préface Jean Antonini
Mon avis :
COMMENT PARLER DE HAÏGA
(quand on ne connaît rien à l’art de peindre)
Cours de math – il ouvre
un parallélépipède
et lit un poème
L’apparence trompeuse des choses… C’est un peu la mésaventure qui m’est arrivée l’autre jour en ouvrant le carton en provenance de l’Association Francophone de Haïku: les exemplaires du dernier ouvrage publié début 2012 :HAÏGA- Peindre en poésie de Ion Codrescu)
Parallélépipédique, bien rectangle, avec une belle face en noir et blanc, une touche de rouge comme une mouche de coquetterie : papier et carton, feuilles qu’on peut tourner à l’endroit et à l’envers… Un livre ! Qu’il est beau ! me suis-je écriée. Et un livre avec des illustrations en plus !
Et aussitôt ma promesse irréfléchie, spontanée : « je mettrai un article sur mon blog »
Ce n’est qu’en recevant la réponse courtoise et bienveillante de Ion Codrescu m’invitant à l’avertir de la parution de cet article que j’ai flippé.
Pauvre petite faiseuse de haïku, que sais-je de l’art de « peindre en poésie » ? Que puis-je dire de la subtilité, de la mystérieuse alchimie du haïga ? Que saurai-je énoncer de sensé sur l’œuvre d’un artiste aussi prestigieux? Moi dont la calligraphie se résume à l’abécédaire appris à l’école (et déformé depuis longtemps) que pourrais-je oser dire sur sa maîtrise du pinceau acquise après longues années d’apprentissage ?
Entreprise insensée…
Les nœuds serrés
des liserons- qui me demande
de les défaire ?
Oui, au fond, personne ne me demande d’avoir un avis pertinent sur le haïga que je découvre (presque) grâce à cet ouvrage « Haïga-Peindre en poésie » ?
Au début du livre, un long et bel article de l’auteur sur l’art de peindre en poésie, alliant pédagogie et érudition permet au lecteur profane d’apprécier un peu mieux la centaine de haïgas ainsi exposés. Quant au parcours extraordinaire de l’artiste, nous disposons à la fin du livre de quelques pages d’hommages avisés venus du monde entier.
Alors… je peux me contenter de livrer ici mes impressions personnelles, ce que je ressens à la multiple lecture de ces tableaux mêlant et métissant poésie, peinture, calligraphie. Je peux dire les candides méditations où m’entraînent les paysages rencontrés, l’enchantement de ce voyage au sein d’un univers poétique tridimensionnel : celui du haïjin, mon propre imaginaire et la transcendance que leur apportent le camaïeu des gris de l’encre et le trait toujours signifiant du peintre.
Et puisque Ion Codescru m’a fait l’honneur de retenir un de mes haïkus
L’herbe fauchée
une sauterelle
sur le paillasson
Je ne peux résister au bonheur de dire ce que m’inspire sa peinture : l’herbe fauchée, envolée, s’entremêle aux lettres calligraphiées ; juste au-dessous, mon regard se perd dans la plage blanche de l’absence, vide reposant sur la sauterelle devenue frêle brindille.
Et me voilà brin de paille moi-même, immergée dans la vaste unité des êtres et des choses : monde végétal, animal, minéral (l’encre) enveloppant mes mots d’une même essence. Ne sommes-nous pas tous constitués des mêmes atomes ?
Prodigieux éclairage que donne le pinceau de Ion Codrescu ! Il ne me reste plus qu’à contempler les quatre-vingt-dix-neuf autres estampes rassemblées dans l’ouvrage. Promesses d’heureuses parenthèses riches en découvertes à chaque page différentes.
Arbre vénérable
un philodendron dit-il
comme au salon !
Qui regarde la lune et qui regarde le doigt…
J’avoue que je me suis amusée à suivre le ballet de ces petites bêtes qui apparaissent parfois, alors que le haïku ne les mentionne pas (Oh ! les canetons éclos de la pluie de Lyliane Lajoinie, page 63) ou au contraire sont absentes quand le texte les mentionne (Où est passée l’oie de Nathalie Dhénin, page 73 ?).
Fabuleux tours de prestidigitation ! Cela dit sans vouloir offenser le talent de l’artiste.
En tout cas, que mes réflexions puériles ne vous empêchent pas de vous procurer et d’accueillir ce superbe album (bilingue Français/Anglais, s’il vous plaît !) produit par les Éditions de l’Association Francophone de Haïku. L'enchantement est caché dedans.
(Monique MERABET 24 Janvier 2012)