Innocence (9)
Innocence.
(Camille PAYET)
Tu as fait partie de mon existence
Depuis le jour de ma naissance,
Tout le long de mon enfance,
En t’y glissant avec aisance.
J’avouerai en toute confidence
Que je n’en avais pas conscience.
Ce n’est qu’aujourd’hui, je pense,
Fort de mon expérience,
Avec la vie plus de connaissance
De la réalité, plus de clairvoyance,
Que je peux témoigner avec pertinence
De ta réelle présence.
C’est l’évidence :
Tu es le cadeau de la Providence.
Je vivais en toute confiance,
Avec ma mère en connivence,
Dégustant de son lait l’excellence,
Savourant de sa présence
La bienfaisante dépendance,
De ses berceuses la cadence,
De ses soins la prévenance,
De chaque instant sa vigilance,
De sa tendresse l’exubérance,
De ses caresses la fréquence.
Supporter mes pleurs avec patience,
Subir des nuits blanches en permanence,
En silence, avec indulgence,
Quelle élégance !
Calmer de mes maux la souffrance,
Surveiller chaque jour ma croissance,
Stimuler mon intelligence
Avec insistance,
Quelle délicate prévenance !
Les miens me portaient assistance,
Assuraient ma défense,
Me servaient ma pitance.
Je vivais heureux dans une douce insouciance.
Des soucis de la vie, aucune connaissance.
Des problèmes, des ennuis, une totale absence,
Querelles et disputes, sans la moindre importance !
De la réalité de la vie une profonde ignorance !
C’était à l’évidence le temps de la nonchalance,
De ma totale dépendance.
Le temps de ma plus grande chance.
Puis est venue l’adolescence.
Innocence,
Tu connus alors quelques turbulences.
Avec mon âme en errance,
Mon ego en effervescence,
Du sexe opposé ma première attirance,
Mon souci de l’apparence,
Mon langage plein d’insolence,
Mon discours tissé d’impertinence
D’arrogance,
De l’entourage mon indifférence,
Victime d’une mauvaise influence.
Avec la perte de mon bon sens
Echo de ma désespérance.
C’était à l’évidence,
Le temps de la désobéissance,
De l’impertinence, de l’outrecuidance
Qui m’ont valu quelques rouspétances
Et autres remontrances !
Puis j’ai perdu ta trace,
Dès qu’à la réalité du monde je fis face.
Finis l’état de grâce,
Le repos de l’esprit, les vacances.
A moi seul désormais l’échéance
D’assumer ma défense,
D’assurer ma subsistance,
De veiller à mes finances,
De payer taxes, redevances,
Impôts, factures, assurances,
Quittances et autres contre-danses ,
Ce qui a pour conséquence
Plus de stress, plus de dépenses !
A moi d’affronter un monde de violence
Où règnent intolérance, maltraitance,
Toutes sortes de manigances,
La déloyale concurrence,
La perfide concupiscence.
Je vois la course folle vers le profit, la performance,
Des fortunés la toute puissance, l’opulence.
Des plus pauvres le manque en permanence,
Du travail pour les jeunes l’absence,
Le règne de la délinquance,
La danse des maladies, des souffrances,
La valse des ambulances,
La triste séance des condoléances,
De l’environnement la déchéance, la dégénérescence,
Des politiques la carence, les déficiences.
Contre la mondialisation à outrance,
Leur totale impuissance.
Il me faut entrer en résistance,
Lutter contre mes mauvaises tendances,
Terrasser ma suffisance,
Retrouver ma tempérance,
Booster ma transcendance.
C’est à l’évidence
Le temps de l’inconscience,
De l’imprudence, de la démence,
De la décadence,
Le temps de la dernière chance,
D’entrevoir de la sagesse l’urgence.
Mais avant ma sénescence,
Avant de tirer ma révérence,
Je veux te retrouver, innocence.
Pour cela j’ai de bonnes références :
L’amour des miens, ma récompense,
Les amis, pas avares de leur présence,
De leur fidèle assistance,
Qui savent créer l’ambiance.
Mon chien, amateur de préférence
De caresses en abondance,
Qui, pour me montrer sa jouissance,
Remue la queue dans tous les sens.
L’oiseau, qui sur sa branche,
Me chante sa romance,
La source, qui me lègue sa transparence,
De son eau l’éternelle jouvence,
Les plantes, les fleurs qui gratuitement m’avancent
Leur exubérance, leurs fragrances.
Etres très humbles, remplis d’innocence
Qui ont eu la compétence
De te garder toute leur existence,
Quelle performance !
C’est à l’évidence
Un bonheur simple à portée des sens,
Du cœur, du bon sens, de l’intelligence
Que j’aimerais transmettre, j’y pense,
A toute ma descendance,
Pour lui insuffler amour, confiance, espérance.
Tout le reste, soucis, égoïsme, malveillance,
Offenses et autres vengeances,
Toutes ces malfaisantes engeances,
Je n’en veux plus garder souvenance,
Je veux les chasser à jamais de mon existence.