LAMBREQUINS ET VIEUX BARDEAUX (24)
ESPRITS DE MÈRKAL 1
Lundi 6 Janvier 2003
Fuyant la canicule d’un après-midi d’été chauffé à blanc, Héloîse profitait de la fraîcheur de sa chambre climatisée pour mettre à jour ses notes.
Elle avait déjà accumulé schémas et mesures, tous issus de l’observation de la villa Chabrier à l’architecture si caractéristique. Grâce à l’accueil sympathique des jeunes de l’association « Lambrequins et vieux bardeaux », son étude avait démarré au quart de tour.
Arthur surtout, lui aussi amateur passionné des anciennes demeures de son île, avait été un précieux guide et lui avait confié la collection impressionnante des photos prises au cours de ses pérégrinations dans les rues de Saint-Denis.
Quand elle quitterait la Réunion, à la fin du mois, nul doute que son mémoire aurait riche allure.
Une seule lacune restait à combler : des données fiables sur les espèces botaniques qui composaient les différents jardins entourant les maisons créoles.
Les lumières de son petit compagnon du matin, pour originales et pleines de poésie qu’elles fussent, manquaient vraiment de rigueur scientifique.
L’étudiante sourit en se remémorant les fantaisistes révélations que Greg lui assénait avec le plus grand sérieux : de l’endormi qui n’était qu’un dragon « rétréci » par amour pour une fleur aimée qu’il cherchait désespérément dans tous les jardins de rencontre, à l’arbre à pain, ce fabuleux oiseau qui larguait ses larges feuilles et ses énormes œufs verts pour faire peur aux petits chiens… la liste était longue des élucubrations sorties de l’imagination vagabonde du petit garçon !
Bah ! se dit Héloïse avec indulgence, ce gamin était trop chou…
Elle en serait quitte pour se procurer un bon bouquin sur le sujet. La médiathèque en était certainement pourvue.
Et si elle téléphonait tout de suite pour connaître les horaires d’ouverture ?
Son portable n’était pas dans le fourre-tout auquel elle n’avait pas touché depuis son retour de la kaz Bougainvil ; et elle était certaine que rien ne traînait sur la table où elle avait laissé ses affaires pendant la visite « botanique ».
Elle eut vite fait le tour de la chambrette : rien sous le lit, rien dans la valise qu’elle mit sens dessus dessous, rien dans la penderie ni dans le coin toilette.
Elle dérangea en vain Kouri qui dormait affalé sur un coussin et qui leva sur elle des yeux chargés de reproche.
Peut-être avait-elle égaré son appareil sur le chemin ?
Voilà qui serait diablement embêtant ! Elle y avait enregistré tous les numéros utiles à ses travaux, sans compter ceux de son père et de ses amis de Métropole.
Comment allait-elle faire ?