LAMBREQUINS ET VIEUX BARDEAUX (26)

Publié le par Monique MERABET

ESPRITS DE MÈRKAL 3

 

 

 

 

Aussitôt, deux ombres cagoulées lui lancèrent une couverture sur la tête ; en un rien de temps, sans même avoir la possibilité de se débattre, elle se trouva immobilisée puis poussée avec Kouri dans le gouffre noir d’une petite pièce.

La porte se referma violemment. Héloïse, toute étourdie entendit la clef tourner en grinçant dans la serrure, puis un raclement, comme si on tirait un meuble devant la porte. Ses agresseurs tenaient vraiment à ce qu’elle ne leur échappe pas !

La prisonnière se débarrassa de la couverture et se força à respirer régulièrement pour permettre à son cœur affolé de reprendre un rythme normal.

Puis elle essaya tant bien que mal de mettre de l’ordre dans les interrogations qui se bousculaient fiévreusement sous son crâne.

Que signifiait cette agression ? Pourquoi l’avait-on séquestrée ? Pourquoi Kouri n’avait-il pas aboyé ?

Héloïse demeura un long moment prostrée sur une espèce de paillasse qu’elle avait repérée à tâtons. Elle serrait Kouri contre elle et, seule la présence du fidèle animal lui permettait de garder un peu de courage.

Elle était là, réduite à l’impuissance : bien qu’elle se rendit compte de l’inanité d’un tel comportement, au début, elle avait crié, tapé sur la porte, sur les parois, à l’aveuglette car son cachot était plongé dans les ténèbres : il ne devait pas y avoir d’autre ouverture que cette porte soigneusement barricadée.

Seul le silence lui avait répondu. Le silence et… une sorte de ricanement ténu qui semblait sourdre du bois de la demeure même.

Elle se secoua… Allons, il fallait réagir ! Si elle laissait ainsi son imagination s’emballer, elle finirait par devenir folle !

Elle entendit Kouri mâchonner à côté d’elle.

Inquiète, elle lui enleva l’objet des mâchoires et reconnut au toucher une bougie.

Une bougie… la paillasse ! Ce réduit avait sans doute abrité un gardien, un ouvrier qui participait aux travaux de rénovation.

Pleine d’espoir, elle palpa les alentours. Comme elle s’y attendait, elle dénicha des allumettes sous le matelas. Quel bonheur ! Elle pouvait faire de la lumière !

Á la lueur tremblotante d’un lumignon, elle put examiner sa geôle : une chambrette carrée, sans fenêtre ; un sac de ciment, un seau cabossé, du fil électrique, divers outils, étaient abandonnés sur le sol recouvert d’un simple béton.

Un coin de la pièce était occupé par un godon, un vaste placard d’angle qui faisait office de garde-manger dans les temps anciens, et qui avait retrouvé sa fonction première puisque, à la grande joie d’Héloïse, elle y découvrit deux bouteilles d’eau minérale, des paquets de biscuits ; il y avait aussi une provision de bougies et… un jeu de cartes.

Un peu réconfortée, la captive put réfléchir plus calmement à cette détention inexpliquée.

Elle songea à Vanessa. La jeune fille avait-elle été capturée, elle aussi ?

Au terme de ses réflexions, elle finit par se persuader qu’elle avait dérangé des cambrioleurs en pleine action ; ces derniers s’étaient débarrassés d’un témoin gênant en la précipitant dans ce cachot.

En tout cas, ses ravisseurs ne semblaient pas lui vouloir du mal et avait dû l’abandonner, leur forfait accompli.

Elle regarda sa montre : Huit heures… Elle en serait quitte pour une mauvaise nuit et demain, de toute façon, on viendrait la délivrer.

Elle partagea un paquet de petits-beurre avec Kouri, donna de l’eau à l’animal : puis elle s’attela à quelques réussites et finit par s’endormir malgré la précarité de sa situation.

Un rêve bizarre vint lui tenir compagnie : elle était assise sous le flamboyant ; les pétales bicolores tombaient en pluie à ses pieds. En touchant terre, ils se métamorphosaient en petites cases identiques à la Kaz Bougainvil et se mettaient à lui courir sur tout le corps en chantant à tue-tête :

 

Radius, cubitus

As-tu vu son humérus ?

Son tibia qu’est pas droit,

Son fémur qu’est trop dur,

Ses phalanges qui démangent,

Son coccyx qu’est pas lisse…

 

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Publié dans LIRE

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M
<br /> Okay, on comprend l'idée. Vanessa et co vont essayer de lui faire peur.<br />
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M
<br /> <br /> Gagné!<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Belle poésie à propos du corps humain.<br />
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M
<br /> <br /> Merci Marcel. je me suis un peu inspirée du chansonnier Ouvrard!<br /> <br /> <br /> <br />