LAMBREQUINS ET VIEUX BARDEAUX (27)

Publié le par Monique MERABET

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                                 (Dessin Huguette PAYET)

 

ESPRITS DE MERKAL 4

 

Les voix enflèrent, enflèrent, jusqu’à un tintamarre assourdissant qui la réveilla brutalement.

La jeune fille se redressa, hagarde.

Elle entendit une cavalcade, comme si une troupe de mille fantassins dévalait l’escalier en hurlant.

Puis la foule turbulente sembla se masser devant la porte de son réduit.

La clameur se tut. Une voix caverneuse s’éleva :

(1)- Bann Kalalomm ! Moin lé kontan mon zanfan. Zot la guingne kol in joli kado pou zot ti rinn gaté. Zot i koné àl i ème tir l’ame bann jëne fiy, an plïss kan lé blan, lé roz konm satla! Kass pa la tète ! Ma pèy azot sanm shovë do lor ma tir sï son koko. Astër, bonpë babouk, bonpë léskorpion,shipèk, karapate… ma fé jn bon bouyon onzër. Baya ! Li va guingne son vante plin !

Suivit un sinistre ricanement puis des hurlements :

- Viv Kaladiab ! Viv kaladia ! Viv nout rinn !

La pauvre Héloïse ne comprenait rien à tout ce charabia, à peine un mot, par-ci, par-là.

Il lui semblait qu’on s’exprimait en créole ; mais elle n’était pas suffisamment familiarisée avec les expressions locales… surtout lorsque celles-ci étaient débitées à cette vitesse et dans un phrasé rappelant le Japonais.

Pour parachever la confusion qui l’enveloppait, voilà que s’éleva une étrange mélopée psalmodiée par la voix caverneuse du début :

- Ziolé ! Ziolé ! not rèl al évir am if !

- Ziolé! A raws am znam not mal kè ni nirg ol lès!

Les mêmes paroles se répétaient inlassablement comme ces programmes repris en boucle.

De temps à autre, la psalmodie s’accompagnait de pas feutrés, de conciliabules chuchotés.

Une fois, elle crut entendre le rire de Willie suivi d’un sec : « Tak ton boush ! » (2) qui lui rappela la voix de Vanessa… Hallucination sans doute !

Au bout d’un laps de temps qui lui sembla interminable, à nouveau, une galopade dans l’escalier, des cris.

(3)- Kaladiab ! Kaladiab ! Bann klèrkal lé la ! I vë totosh anou sanm la lïmièr. Sa i brïl nout zië.

- Akoz zot i tinn pa lï ? Krash dësï! Ah zot lé pa fïté non plï…

- I guingne pa, Kaladiab ! Sa la lïmièr léstrésité.

- Ayayay ! I san mové tèr-la. Somanké mon modi sër Kalalanz i pointe dérièr, marmay ! Anon sové !

Ce fut alors un charivari épouvantable ; on aurait dit que le mobilier se mettait en branle pour un infernal sabbat.

Héloïse, complètement déboussolée, nageait en plein cauchemar et s’était puérilement réfugiée sous la couverture, cependant que Kouri continuait tranquillement ses rêves sur un coin du matelas.

On entendit un grand « Schscrach… » Le tintamarre cessa.

-Caro, le fil ! Fais attention, bon sang !

- Chut… Chut…

Tout s’éclaircit soudain dans l’esprit d’Héloïse.

Ainsi, c’était un appareil qui diffusait ces cris amplifiés, ces paroles déformées. Elle avait eu droit à une séance de bruitage, en quelque sorte. Voilà pourquoi le chien ne réagissait pas.

Qui était à l’origine de cette mauvaise plaisanterie ?

VANESSA ! Le nom s’imposa immédiatement à son esprit !

Vanessa… qui avait eu un comportement bizarre aujourd’hui. Vanessa ! La seule à posséder les clés de la case en l’absence d’Arthur.

Elle entendit une voiture démarrer. En plus, on l’abandonnait seule en pleine nuit ! Ils étaient vraiment charmants les copains de « Lambrequins et vieux bardeaux » !

Dès demain, elle mettrait les choses au clair avec la jeune fille…

Elle tenta à nouveau d’ouvrir la porte, y réussit sans difficulté cette fois. Tout était calme dans la maison endormie. Sur la cloison d’en face, un papier était punaisé :

« Dors tranquille, Héloïse. Je viendrai te délivrer à l’aube. »

C’était signé : KALALANGE.

 

 

Traduction des dialogues :

(1)   : -  Mes Kalalomme ! Je suis fière de mes enfants. Vous avez réussi à attraper une jolie proie pour votre Reine chérie. Vous savez qu’elle aime prendre l’âmes des jeunes filles, surtout quand elles sont blanches et roses, comme celle-là. Ne vous faites aucun souci. Je compte vous récompenser par des cheveux d’or que je lui arracherai. Maintenant, allez me chercher tout plein d’araignées, de scorpions, de tiques… je vais préparer une potion… elle va en avoir son content !

- Vive Kaladiable ! Vive Kaladiable ! Vive notre Reine !

 

(2) Tak ton boush = Ferme-la !

 

(3) - Kaladiable ! Kaladiable ! les Clair-Kal sont là ! Ils veulent nous blesser avec la lumière. Ça nous brûle les yeux !

    - Pourquoi vous ne les éteignez pas ? Crachez dessus ! Ah ! Vous n’êtes pas bien malins !

   - On ne peut pas, Kaladiable ! C’est de la lumière électrique.

   - Aïe ! Aïe ! Aïe ! Cela sent mauvais ici… Si ça se trouve, ma maudite sœur Kalalange est là derrière. Vite !Sauvons-nous !

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M
<br /> Ben... je l'espère bien ! Mais là, tu sèmes un doute dans mon esprit ! Faut que j'aille voir s'il y a une suite aujourd'hui !<br />
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M
<br /> voilà, c'est comme je disais... sauf que ... on n'avait sans doute pas imaginé qu'un chevalier (errant... ou galant ! ) se porte à la rescousse de la belle blonde... !<br />
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M
<br /> <br /> Euh! Est-elle vraiment tirée d'affaire notre Héloïse?<br /> <br /> <br /> <br />