LAMBREQUINS ET VIEUX BARDEAUX (8)

Publié le par Monique MERABET

bougainvillees.JPG

 

Mémoires d'une vieille case créole 3

 

Je m’en souviens comme si c’était hier Une maussade journée de juin s’achevait lorsque dans la pénombre du court crépuscule, j’aperçus la silhouette élancée d’un adolescent qui rôdait autour de mon armure fleurie. Il cherchait manifestement à empiéter sur mon domaine.

« Essaie toujours, ricanai-je en mon for intérieur ; comme tant d’autres avant toi, tu te blesseras à mes échardes acérées et tu abandonneras ».

Mais ce visiteur-là était d’une espèce particulièrement opiniâtre ; il revint chaque soir se poster à mes frontières et je finis par trouver touchante la façon qu’il avait de soulever délicatement les branches pour se frayer un chemin ; je lui savais gré de ne pas se comporter comme tant de sauvages qui n’hésitaient pas à sabrer à tout va.

De toute façon, ni la douceur de l’un, ni la brutalité des autres ne parvinrent à créer une brèche conséquente dans mon rempart végétal.

Alors le jeune entêté changea de tactique ; grattant les cordes d’une guitare, caressant du bout des doigts la peau d’un tambour, balançant une curieuse boîte en tiges de fleur de canne, il se mit à chanter.

Il passait d’airs mélancoliques qui éveillaient en moi d’évanescentes réminiscences, à une âpre mélopée dont le rythme bizarrement haché m’effaroucha de prime abord ; mais les paroles qui accompagnaient sa musique m’allaient droit au cœur ; elles me rappelaient les libres sentiers qui menaient autrefois jusqu’à mon perron, en ces temps bénis où la fièvre citadine ne me parvenait que sous la forme d’un indistinct murmure.

Et lorsqu’il me chuchota, comme une prière, cet hymne à ma ceinture de fleurs, je fondis complètement et l’accueillis de toutes mes fibres dilatées d’espérance.

 

Comme marée triomphale

Envoûtant tout l’horizon

Les bougainvillées s’étalent.

 

Et virevoltent spirales,

Libres circonvolutions

Farandoles de sépales.

 

La couleur rose s’emballe

S’irisant de mille tons

Fauve, feu, rubis, opale.

 

Faut-il au son des cymbales

Que vienne un fils d’Apollon

Pour défier l’ombre fatale

De ce somptueux dédale ?

Publié dans LIRE

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
<br /> Ah ! C'est moi qui c'est trompée de locuteur alors. Je croyais que le poème à la fin du chapitre était ce "hymne" d'Arthur dont parlait la case - dont je ne voulais pas mettre en doute la culture<br /> littéraire .<br />
Répondre
M
<br /> <br /> La case a la même culture litéraire que moi... c'est dire!<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Saperlipopette ! Où est-ce qu'il a pris ce vocabulaire et cette culture littéraire et historique, ton Arthur ? Je commence à soupçonner qu'il ne s'agit pas là d'un ado réunionnais ordinaire...<br />
Répondre
M
<br /> <br /> Euh! Pour l'instant, c'est une vieille case créole qui s'exprime.... Et dans le domaine de l(histoire et de l'érudition et du beau langage, elle est vachement calée, je peux le<br /> certifier.<br /> <br /> <br /> <br />