Les gouttes du papayer

Publié le par Monique MERABET

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LES GOUTTES DU PAPAYER

 

 

 

Rameau effeuillé

du benjoin

lentement, la goutte

 

Ciel tout gris, côté montagnes. Il a plu ; il pleut encore : la queue de l’ondée. Il nous faut regarder vers l’Est pour découvrir cet oiseau de nuage tout rose du levant qui se cache derrière un piton rocheux de nuages anthracite. Imaginer l’oiseau : son croupion (comme celui d’une autruche) ses pattes longues et graciles (comme celles d’un flamant) et son bec… et son bec… alouette ! alouette !

 

Trilles de moineaux – chut !

 gouttelettes aux feuilles

du papayer

 

Je contemple longuement les petites sphères d’eau. Ne pas les compter surtout ! Elles me fascinent toujours les gouttes. Quelle énergie, quelle volonté leur faut-il pour se mettre ainsi en billes « solides » de liquide ! Point d’exclamation… je pourrais aussi bien utiliser un point d’interrogation, moi la petite Madame Je-sais-pas.

 

Tête en bas

la limace a-t-elle-même

sens de l’orientation que moi ?

 

Ce que je sais, c’est qu’être là à ne rien faire (écriture en pensée libre), est un instant de pur bonheur. Ce matin, j’étais la première à ouvrir les volets parmi les résidents de la ruelle. Et je me disais que ce serait bien de me lever encore plus tôt afin de profiter davantage de ce « y a rien à faire » d’aujourd’hui. Ce « rien à faire » est mon élément de prédilection ; je m’y glisse avec délice. C’est formidable cet état de retraitée qui me permet de retrouver l’insouciance de l’enfance, de renouer avec l’ineffable gratuité de la vie, de l’écriture : sans contrainte castratrice (Ah ! le boulot !) sans projet stressant (Ah ! L’avenir que nous ne connaîtrons pas !).

Vivre le plein-vide de ce présent qui n’existe pas. Et se sentir tellement vivante, libre, reconnaissante de pouvoir échapper au monde « réel » forgé de toutes pièces par nos palinodies humaines et que certains ne quittent jamais.

Profiter des interstices du temps pour se faufiler ailleurs… peut-être vers sa vraie destination. C’est l’archipel des gouttes miraculeusement posées sur une feuille de papayer qui m’inspire ces penses jubilatoires, ce matin. Me rêver comme elles, engendrant ma propre bulle sans me soucier de ce qui transparaît des échancrures de cet océan de nervures et de chlorophylle.

Mais… j’ai tort assurément de me considérer prétentieusement capable d’engendrer, de créer quoi que ce soit. Je ne suis pas thaumaturge. Comme mes sœurs gouttelettes, je me contente de vivre ce pour quoi je suis.

 

Les belles de nuit

avant de se refermer

lourdes de pluie

 

(Monique MERABET, 26 Juin 2013)

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Publié dans Haïbuns

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M
<br /> Ton haïbun sur la pluie (tu es tout à fait tendance, le savais-tu ? Va voir sur le blogue de Lily!) me fait penser à un des premiers haïku que j'ai lus et qui m'a fait une<br /> très forte impression. Il est de Jessica Tremblay alias Tess in the West (tu<br /> connais? Une haïkiste québécoise, que j'ai connue dans le groupe haïku Montréal, et qui vit maintenant dans l'ouest canadien. ) :<br /> <br /> <br /> sur le lac<br /> la pluie crée des flèches<br /> et des cibles<br /> <br /> <br /> Jessica Tremblay, dans : Le sourire de l'épouvantail. Les éditions David.<br />
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M
<br /> <br /> Très beau le haïku de Jessica (j'aime énormément ses petites grenuilles). Je suis allée voir l'article de Lily aussi... Magnifique!<br /> <br /> <br /> ET mon prochain billet-haïbun, tu le trouveras très tendance aussi. A bientôt!<br /> <br /> <br /> <br />