Les mots-valise
MOTS-VALISE
Sur l’écran du mur
film en noir et blanc
« Des oiseaux et des feuilles »
Le vent qui gonfle un peu le treillis vert coupe-vent, coupe-vue, tapissant le grillage, fait des bulles de lumière. Une vague d’étincelles qui vient se briser sur la surface du plastique. La journée navigue à la voilumière.
Les oiseaux aussi viennent picorer le riz par vagues successives : tout d’abord, les moineaux et le cardinal (du rouge ! du rouge !), se chamaillant à qui aura la prééminence ; un peu plus tard, arrivent les tourterelles qui se carrent dans la mangeoire circulaire - quadrature du cercle ? – qui la font basculer… une touche de bleu. Ma journée navigue aussi à la voiloiseau.
… à la voilorange ! Mes yeux se réjouissent de l’or des oranges et des papayes achetées hier, le goût affleurant déjà à mes lèvres.
Et les nuages qui s’effilochent en lavis de fleurs et de plumes, callinuages ! Ils ne se pressent pas trop aujourd’hui, le temps que je découvre à leur suite un flocon de petit croissant, une lune en déclin, prolongeant son existence d’un intermède diurne.
Chaque matin, le soleil de 8h m’aménage un écran lumineux sur le mur, face à la table sur laquelle je sème mes petits cailloux de mots (deviendront-ils haïkus ?). Un grand écran aux formes tarabiscotées. Foin du banal rectangle d’uniforme géométrie ! Je l’observe attentivement. Comment le décrirai-je, cet assemblage de lignes mathématiques ? Tiens ! Il me semble même que je saurais le dessiner… sans respecter les proportions, bien entendu. Hélas ! N’aurais-je pas raté la beauté du nombre d’or caché là-dessous ?
Rose du trèfle
arraché
tout est si beau
On commence par la droite, c’est le plus facile : un trapèze, séparé de la partie gauche par un rectangle d’ombre, projection en 2D du cylindre d’un pilier. Et puis… Ah ! Un autre trapèze aux côtés un peu ébréchés (les murs de la maison auraient besoin d’une bonne restauration), dans lequel s’enfonce le trapèze d’ombre de l’avancée du toit.
Méditation
l’ombre immobile
d’un oiseau
Bah ! Décrit aussi platement, il a bien perdu de son charme, mon murécran ! Mais ce qui compte, c’est le film qui se déroule là. Le feuillage du benjoin, tel un bouquet corallien, frémit doucement au va-et-vient des ombroiseaux qui y barbotent joyeusement ; parfois un poisson-moineau vient se nicher dans un triangle de lumière et son chant accompagne les acrobates de l’arbrisseau.
Ah, Jenn ! On se croirait dans ces fonds sous-marins que tu explores en apnée et au sein desquels tu m’imagines : tant de haïkus à écrire !
Bec d’un zoizo-blan
plongée au cœur de la fleur
de thunbergia
(Monique MERABET, 29 Août 2013)