Les petits cimetières
LES PETITS CIMETIÈRES
Croire. Je me risque à penser à ce qui poindra un jour – bientôt – des cendres. Mais on dit que le feu a pris dans les racines, en profondeur.
Combien de temps faudra-t-il pour que renaisse une forêt des décombres de la folie humaine ?
Sûrement plus qu’une existence d’homme, que des milliers d’existences d’homme…
Et me reviennent ces vers d’Auguste Lacaussade dans « Les bois détruits » :
« S’il faut, hélas ! au temps des siècles pour produire,
A l’homme un jour suffit pour abattre et détruire
L’œuvre séculaire des ans. »
Mais, cela est certain, la vie renaîtra, là ! Une autre vie, un autre paysage. Comme sur les laves refroidies d’un volcan.
ti bérso la mouss
dann krë la lav Grand-Brûlé
domin, bèl, bèl foré
La nature est généreuse et finit toujours par se régénérer pour peu qu’on lui en laisse le temps et la liberté de le faire. Le vide laissé par l’arbre calciné peut accueillir d’autres lianes, d’autres graines, d’autres pousses.
L’arbre mort n’est pas mis au tombeau, lui. Il peut contribuer à l’éclosion d’autres vies. Seules les coutumes humaines ont choisi cette déviance : enfermer ses cadavres dans des caveaux de pierre, cadenasser les morts sous de lourdes plaques qu’aucune végétation ne saurait transpercer.
la dalle grise
fleurs et couronnes
vite fanées
Différence signifiante entre le comportement animal et le comportement humain. Une dépouille animale nourrit d’autres espèces, nourrit la terre ; les dépouilles humaines, elles, gisent inutiles dans leur égoïste pourrissement. Ne rien céder à d’autres éléments, surtout…
C’est pour cela que j’aime tant ces petits cimetières d’autrefois, ces jardins de frangipaniers où se déploient les parterres colorés des tombes.
tapi mandian lo tonm patchwork des tombes
dan lonbraj pié franjipane à l’ombre des frangipaniers
- sat granmèr ? - Grand-mère ?
Kan minmsa lo tan la pasé… Aujourd’hui – modernité oblige – on leur préfère le stuc ou le béton que l’on vient fleurir de couronnes en plastique (imputrescibles !) et de quelques bouquets moribonds… une fois par an.
2 Novembre. Le jour des défunts.
(Monique MERABET, 2 Novembre 2011)