Mercredixmots (2)
PARAPLUIE… PARASOL
Grand-mère possédait un grand parapluie/parasol en solide toile bleue, bien conçu pour se protéger des intempéries.
C’était un objet unique, au cachet bien particulier, sorti de l’atelier d’un artisan au savoir-faire affirmé.
Il pouvait servir à se garantir de la pluie. Oui, mais voilà ! Pourquoi sortir par temps de pluie ? Sous nos cieux, les averses s’accompagnent souvent de bourrasques et comment se prémunir vis-à-vis des risques toujours présents de retournement ? J’imagine sans peine la frêle femme qu’était mon aïeule, emportée soudain dans l’air, accrochée à la courbure de son bec de cane.
Mais, cette vision n’est que virtuelle. Il est plus vraisemblable qu’elle l’ait utilisé pour quelque balade sous le soleil, son vaste dais la préservant des rayons trop ardents, elle et les trois petits enfants pendus à ses jupes.
Lorsque je l’ai connu, deux générations après, il gisait abandonné dans un coin de la cour : sa belle toile bleue s’était délavée et ne tenait plus que par lambeaux. Moi j’avais eu le coup de foudre pour le superbe mandala de l’ossature métallique encore intacte. J’accrochais des rubans de papier de couleurs vives aux baleines et le faisais tournoyer, tel un manège, la pointe fixée au sol. Il était si lourd qu’il aurait fallu toute une équipe de bras d’enfants pour réussir à le soulever, à le brandir au-dessus de nos têtes tel un bouquet chatoyant.
Et puis, le jeu finissant par lasser, le beau parasol se retrouva une fois de plus délaissé, inutile… jusqu’à ce que la cuisinière ait eu l’idée de transformer les baleines en broches pour faire griller les tomates du rougail au feu de bois.
(Monique MERABET, 30 Janvier 2013)