Passage (1)
EPREUVES et PASSAGES (Kristel PAYET)
Le mot passage qui indique le fait de passer, dans le sens de se déplacer d’un lieu à un autre (grosso modo), peut aussi désigner une transition , historique, morale, humaine, et le passage est alors assimilé à une épreuve. Or , à comparer les épreuves à des passages, on finit par les confondre.
Quand on va chercher l’étymologie des mots il ne faut pas en déduire directement leur sens. Cependant l’étymologie peut nous aider (ou au contraire, nous tromper).
Comme dans le cas de passus, participe passé latin qui a donné le mot pas (faire des pas, marcher) mais aussi le mot passion , souffrance, donc épreuve. Mais heureusement que votre serviteur ne s’est pas contenté du p.p. passus .Ce p.p. vient de deux verbes différents : pando, pandare, déployer les jambes, marcher, d’une part, et patior, pati, souffrir, d’autre part.
Quand même, zot n’auré pa fait exprès ce band’ Romains ? « Après nous la confusion ».
DONC nous n’avons pas raison de confondre passage et épreuve, mais on nous donne des raisons de les confondre. Qu’on y songe : de passage à passage difficile assimilé à une épreuve, il n’y a qu’un demi-pas qu’on ne peut pas nous reprocher de franchir.
Et ce n’est pas tout. Le mot épreuve au départ ne désignait pas non plus, comme souvent aujourd’hui, un chagrin difficile à surmonter, une douleur. Et cela n’a rien à voir avec l’étymologie latine ou grecque ou autre. Il s’agit là d’un glissement de sens. De mettre à l’épreuve, vérifier, le verbe éprouver s’est élargi à : faire l’essai, l’expérience, puis ressentir éprouver, être éprouvé.
Donc, dans les différents sens du mot épreuve il n’y a pas trace de passage. Mais mi largue pas le morceau. Sak y invente les mots, y fait tout pou qu’le monde y mett deux affaires ensemb alors qu’en principe n’a point rien à voir.
Car voilà que nous retrouvons à côté, ou en face, disons en vis-à-vis, passage et épreuve. Passer une épreuve à un examen ne signifie pas aller au-delà (pandare) de l’épreuve, mais bien subir (patior) l’épreuve. Et là, avouez qu’il y a de quoi confondre passage et épreuve, sous-entendu douloureuse ou simplement stressante.
Et quand on dit que la mort est un passage, s’agit-il seulement du fait de passer dans un autre monde ? Ne s’agit-il pas en même temps d’un passage éprouvant ? Et si en outre nous pensons qu’elle nous mène à une impasse, quelle douleur d’y penser ! Quant au mot trépassé il suggère aussi ce dont on vient de parler.
Bon ! C’est clair ! Ou ce n’est pas très clair! Un passage n’est pas une épreuve. Mais entre ces deux mots il y a bien des passages qui ne sont peut-être que des connotations venant du contexte. Mais même dans ce cas ce n’est pas un simple hasard qui l’a voulu. Le mot passage est finalement un mot mystérieux, riche de sens opposés.