Passage (4)
Avant d’arriver au bord de l’eau
Haïbun
Monika Thoma-Petit
Avant d’arriver au bord de l’eau, on traverse un paysage rocheux, terre grise, sable ocre, avec quelques arbres rabougris dont le feuillage se dresse comme des têtes de gargouilles. Un vert timide tente de percer ici et là, mais les rochers ne veulent rien laisser verdir. Avant d’arriver au bord de l’eau, il faut traverser cette terre aride, où le soleil plombe et où aucun vent n’accorde le moindre rafraîchissement.
Avant d’arriver au bord de l’eau, il faut tenir bon. On a envie d’abandonner, on a envie de s’accoter au tronc rugueux de l’arbre aux gargouilles, cherchant un peu d’ombre, au moins. On ne sait rien du sentier qui pourrait mener au bord de l’eau. On ne sait pas s’il sera possible d’y arriver. Peut-être que les parois rocheuses ne permettent pas qu’on les franchisse. Peut-être qu’on sera obligé de regarder l’eau de loin, d’ici, de cette terre aride, où les roches ne veulent rien laisser pousser.
Avant d’arriver au bord de l’eau, le découragement nous guette. Alors il ne faut pas abandonner. Il faut tenir bon, essayer d’oublier la soif. Il faut se frayer un chemin à travers les chardons et les ronces. Il faut accepter de chercher un peu. Il faut être prêt d’errer un peu, ici et là, pour trouver une faille qui permette le passage.
Avant d’arriver au bord de l’eau, à force d’obstination, d’espoir et de persévérance, on finit par découvrir un petit sentier, bordé de vert tendre que le soleil de plomb n’a pas encore réussi à brûler. On le suit, pas à pas, et il nous mène, comme si de rien n’était, à travers les chardons, les herbes et les ronces, jusqu’à la rive du grand fleuve.
le rorqual plonge
j’arrête de respirer
jusqu’à son retour