Passage (6)
Lisa et les garçons.
(Madeleine MAILLOT)
Dans la famille, Lisa se sent un peu seule. Des cousins, elle en a en pagaille, elle a deux frères aussi. Même l'animal de compagnie est un garçon. Il s'appelle
Philibert. C'est un matou.
Un jour qu'elle se plaignait de sa situation à sa grand-mère, celle-ci lui dit:
- « Tu sais, pour te transformer en garçon, il te suffit de passer à travers un arc en ciel.»
Mais Lisa ne veut pas devenir un garçon. Pourquoi ne serait- ce pas l'inverse: A la prochaine pluie, Louis ou Pierre pourrait en traverser un et elle aurait une sœur avec qui s'amuser!
- « Tu peux toujours rêver!» avaient-ils répondu en chœur à sa proposition.
Aussi, quand son parrain lui offrit cette boule de poils, tellement adorable, Lisa en pleura presque de joie: enfin, à part maman et elle, une autre fille habiterait cette maison! Elle l'a tout de suite baptisée Blondine.
- «A cause de la couleur de sa robe et aussi parce qu'elle a la grâce d'une ondine», avait-t-elle expliqué.
Blondine est assez sauvage et ne se laisse pas souvent caresser.
Philibert, lui, est d'un naturel plus accommodant. Les enfants qui le considèrent comme un jouet le manipulent à leur guise. Quand Pierre, le plus jeune le transporte en le tenant par le cou à travers toute la maison, il ne sort pas les griffes. Il ne se fâche pas.
Certaines fois, cependant pour échapper à tant d'attentions, il grimpe en haut du manguier, poste d'observation idéal, abri imprenable. Il lui arrive d'y passer des heures, bien calé au creux d'une fourche. Son arbre c'est aussi son terrain de sport, son aire de jeu...
Depuis quelques jours, Philibert y monte plus souvent car il a une amie, la petite chatte nommée Blondine. Bien sûr, il lui a fait faire le tour du propriétaire et, dans le manguier, ce sont maintenant des compétitions de course, à la verticale sur le tronc, en équilibre sur les branches.
Les deux complices poursuivent les papillons, s'élancent de concert pour attraper une plume voletant dans la brise. Ils se roulent dans l'herbe, se chamaillent, se câlinent et finissent par s'endormir entre les pattes l'un de l'autre, bercés par leurs rêves félins.
Ce matin, un rayon de soleil vient les taquiner à travers le feuillage. Ils se dressent sur leurs pattes de derrière pour essayer de l'attraper. Leurs efforts n'étant pas couronnés de succès, ils se mettent à danser avec lui, sautant, tournoyant, se contorsionnant.
Mais voilà que le ciel se couvre. Aux premières gouttes de pluie, ils foncent se réfugier à l'intérieur. En haut d'une armoire. Un peu de repos ne se refuse pas en attendant l'heure du déjeuner.
En début d'après midi, ils sont à nouveau dehors. Cette fois, mieux qu'un rayon de soleil, c'est un arc en ciel qui les invite à jouer. Un bel arc en ciel à la cime de leur arbre favori. Va-t-il se laisser capturer lui?
Ils s'élancent à toute allure à l'assaut du manguier. En un clin d'œil, les voilà au sommet.
Mais, que se passe-t-il tout à coup? La petite chatte dégringole et atterrit dans l'herbe. Les enfants se précipitent. Elle doit être un peu sonnée tout de même, car, pour la première fois, elle se laisse soulever et caresser sans protester.
Lisa qui la tient dans ses bras s'exclame soudain la gorge serrée:
- «Venez voir tous! Blondine s'est transformée en matou!»