Le kigo de la glycine

Publié le par Monique MERABET

Le kigo de la glycine

LE KIGO DE LA GLYCINE

 

Soleil déjà haut

me laissant face à ma plume

les chats sont partis

 

Les chats m’ont laissée seule avec mon bouquet de belles de nuit fanées ; seule avec les haïkus du dimanche à écrire (réécrire plutôt), la part belle aux kigos, à ce qu’ils m’inspirent au fond de moi.

Un mot de saison n’est jamais restreint au factuel — nous sommes en mai —, ne se contente pas de la description de ce qu’on peut observer. Je reprends la réflexion d’isabel Aùnsolo (dans La magie du haïku), à propos des pivoines :

« Mais le kigo n’indique pas seulement la saison du poème, il a aussi une valeur symbolique, il fait le lien entre tous les poètes qui ont parlé, à un moment ou à un autre, de cette fleur. »

Pour moi, haîjin du sud, cela implique une percée vers l’universel… et je peux m’approprier ce kigo du nord, que la fleur se rencontre sur mon île ou pas.

Ainsi, Blandine a proposé pour cette semaine de nos  kigos tête-bêche , pétales de glycine dans le vent (ou tombés). Elle évoque la floraison des glycines, en son printemps de la règion lyonnaise où elle habite.

Mais ce kigo de glycine me parle à moi aussi. Ici, nou osi, nou néna glisine, s’enorgueillirait maint jardin créole ; il y avait une glycine noueuse à la maison de mes parents, dans Les Hauts de Saint-leu. Bien sûr, elle fleurissait en notre printemps du sud, en novembre.

Je peux aussi me référer à ce bleu si particulier que je retrouve un peu dans les jacarandas ou la liane Saint-Jean qui « pitaclait » mes parterres d’étoiles bleu outremer. Le bleu fait donc liaison entre les hémisphères même s’il n’apparaît pas au même moment, ni sur les mêmes espèces.

En approfondissant un peu, cette pensée des pétales emportés par le vent me ramène à l’éphémère, à l’impermanence, voire à la finitude d’une existence humaine…

Et me revient ce haïku — ironique ? nostalgique ? du poète japonais Moritake (1473-1549) qui établit un parallèle entre la fleur et le papillon :

 

Une fleur tombée

à la branche je la vois revenir

c’est un papillon

(traduction trouvée sur le net)

 

Alors, finalement, j’ai choisi de le pasticher… sans état d’âme : ce qu’ont écrit les poètes vient toujours enrichir le patrimoine de la poésie et l’on peut y puiser…

 

Sol teint en bleu mauve

remonterez-vous pétales

jusqu’aux rameaux ?

 

(5 mai 2024)

 

 

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