Des entrailles de la terre

Publié par Monique MERABET

Des entrailles de la terre

 

Des entrailles de la terre

(Rosemay Nivard, L’Harmattan, 2017)

 

Retrouver Rosemay Nivard au Salon Cultute et Identité réunionnaise (décembre 2019) fut à la fois, une heureuse surprise et une évidence. Comment ne la trouverait-on pas derrière une tablée de ses recueils… là où il y a des livres !

Poète, elle est, poète, elle demeure. Qu’elle vive en région parisienne où elle a exercé son métier d’infirmière, ou de retour à la Réunion pour une retraite active et poétique, n’en doutons pas.

Rosemay Nivard porte en elle « le ciel, les monts, les bois, les champs, les eaux, les mers »* de l’île natale qui lui a soufflé ses mots, sa poésie immanente, celle qui transparaît dans ses actes quotidiens, ici et ailleurs.

(*pour parodier un vers du poète auguste Lacaussade)

 

Ainsi, ce recueil Des entrailles de la terre que je découvre pour l’occasion, commence par cet atelier de modelage qu’elle a animé pour les malades en psychiatrie, les mains dans la glaise, dans ce « lait de lune » prêt à toutes les transformations…

 

Cette portion de terre distribuée semaine après semaine

devient le point de départ d’une aventure unique

 

Mains pétrissant la glaise d’où sortiront la forme et l’informe, l’éphémère et le pérenne, l’extériorité et l’intériorité. Comme de l’écriture jaillissent dit et non-dit.

 

Tout ce qu’on peut dire

dans la fièvre de la création ou de la récréation

 

Exprimer l’essence, l’essentiel, avec les mains, avec les mots, le même acte primordial : « écrire toutes les idées ou mourir »

Puis à la fin de l’atelier, la nostalgie du laisser derrière soi…

Alors la poète se tourne vers d’autres voyages, d’autres itinéraires.

 

Ne penser qu’aux vacances

le retour dans l’île

l’Océan Indien en partage

 

Et ses poèmes se font chants pour Mayotte, l’île qu’elle découvre, une autre terre où imprimer ses pas, un autre monde, coutumier du manque d’eau ; son guide sera la poésie d’un autre poète Nassuf Djailami…

 

… l’écriture de Nassuf est celle de la brousse

une brousse révoltée contre l’inhumanité de l’homme, contre les

attaques faites à la terre qui l’a fait naître

 

« Je suis en chamboulement » dit Rosemay Nivard.

Est-ce pour reprendre souffle, équilibre, qu’elle nous offre ces bancs de la troisième partie ? Rien n’est moins sûr.

 

d’autres mots se sont ajoutés

à vif, à fleur de douleur

et le banc sage du jardin

est devenu insupportable

 

L’âme du poète est un univers en mouvance, perpétuel ressac des souvenances, kaléidoscope des souffrances rencontrées, peut-être apaisées… u instant de grâce, un instant de création.

Partage des mots, peines et joies, d’un recueil riche et généreux. Tourner la dernière page, cela ne se fait pas sans mal et l’envie d’y retourner immédiatement, de glaner d’autres idées, d’autres images ; il n’est pas facile de sortir de « ce livre fort/à décortiquer » : ce que Rosemay écrit à propos du livre de Nassuf, revient de droit à son propre recueil, Des entrailles de la terre.

 

(Monique Merabet, 4 janvier 2020)

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