Simplement Devenue Folle (Joëlle BRETHES)

Publié le par Monique MERABET

SIMPLEMENT DEVENUE FOLLE...

 

Pendant des années j'ai vécu dans le même quartier, entourée des mêmes têtes, des mêmes décors, et puis soudain...

C'est au retour de mes vacances d'été il y a presque un an, que tout a débuté. Mes proches s'étaient donné le mot pour m'offrir les plus laids et les plus ringards des souvenirs de vacances. Sur le coup j'avais ri de bon coeur car, après tout, j'en avais fait autant. Mais une fois seule, et descendue à la cave j'avais eu un haut-le-coeur. Dans le local exigu de trois mètres de côté s'empilaient,  jusqu'au plafond, des emballages poussiéreux.  La plus grande partie de ma ma vie s'y trouvait enfermée : livres et jouets de mon enfance, vêtements trop étroits ou démodés, albums de timbres, bibelots...

J'avais eu plusieurs fois en tête des projets « raisonnables » de déchetterie, mais vous savez ce que c'est : on ouvre un carton pour faire le tri et puis on rêve, on s'émeut, et on finit par renoncer. Serais-je plus énergique une prochaine fois ? Je m'en persuadai tout en casant « provisoirement » les nouveaux  objets entre les anciens.

Là-dessus, j'avais repris mon traintrain quotidien.

 

Invitée quelques mois plus tard à un gala de bienfaisance, une vague de découragement m'avait submergée quand j'avais ouvert la porte de la penderie où s'alignaient une série impressionnante de tenues dans des étoffes et des coloris variés. Puis la nausée m'était montée à la gorge quand j'en avais sorti deux ou trois pour les plaquer devant moi, et que je m'étais regardée dans la glace. Ce jour-là, j'avais inventorié le contenu de tous mes meubles, et réalisé les quantités phénoménales de sous-vêtements, vêtements, foulards, collants et souliers dont j'étais « l'heureuse » propriétaire. Et c'était pareil dans la cuisine régulièrement visitée par ma mère qui n'arrêtait pas de m'offrir des services de table, de verres, à café, à thé... Sans oublier les autocuiseurs et les robots ménagers hight tech...

Je ne suis pas restée longtemps à ce gala ! J'avais envie de  hurler en voyant tous ces gens grimacer en se faisant des courbettes ; envie de vomir en pensant aux voisins, toujours les mêmes, que je croisais depuis presque vingt ans dans les escaliers de mon immeuble, à ces rues, toujours les mêmes, à ces murs que je longeais invariablement pour aller travailler ou faire des courses...

 

Cette fois-ci, je devais avoir atteint le point de non retour car rien ne s'est arrangé. Les choses n'ont plus cessé de me harceler, de me pourrir l'existence : il me fallait les enjamber pour traverser l'appartement, les chasser de la table et les entasser dans tous les coins disponibles pour pouvoir écrire ou poser mon assiette. Et toutes ces photos, toutes ces lettres reçues des uns et des autres, toutes ces revues  qui, une fois lues, s'empilaient  où il restait de la place : sous les chaises ou le lit, sur le balcon, où quelques plantes achevaient de s'étioler.

 

Puis, sans crier gare,  la paranoïa !

Partout où j'allais, je sentais peser sur moi des regards méfiants ou hostiles ; j'entendais des rires moqueurs... C'était insupportable !

J'étouffais ; il me fallait faire quelque chose.

Partir... Partir loin... Tout laisser derrière moi ! Les lieux, les objets, les gens... TOUT !

 

J'ai averti les services de voirie, rendu les clefs de l'appartement à mon propriétaire, et envoyé ma lettre de démission à mon patron.

Et maintenant que j'ai rompu tous les liens qui me rattachaient à ma famille, à mes amis, à mon quartier, je n'ai plus qu'à aller droit devant moi... au hasard... le plus loin possible... Vers ailleurs...

Publié dans L'EXIL

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J
Encore moi, Joseph : j'ignore si ma réponse à ton commentaire est passée car la procédure pour faire de même sur ton blog ne m'a pas paru la même... (Oui, je confirme : je suis gourde !)
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J
Encore un petit mot pour te demander à quand le prochain article ? Il ne faut surtout pas se décourager...<br /> <br /> Si tu as besoin d'aide. Et aussi, te dire que tu peux passer mettre un petit commentaire sur le mien de temps en temps... (lol)<br /> <br /> Amitiés,<br /> Joséphine.
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J
Une belle écriture pour un texte captivant.
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