UNE OEUVRE... UN REGARD
(photo Monique)
Azulejo
de
Françoise LUCAS
Je voudrais vivre un monde nu
de sable et d'eau
avec le bleu immense
d'un ciel azulejo
Le tableau de Françoise : Azulejo. La création d’une artiste. Toute œuvre d’art est création.
tache de lumière
éclaboussant un nuage
le peintre là-haut?
Moi je suis la spectatrice, celle qui regarde. Mais mon regard n’est pas celui d’un voyeur. Je ne cherche nullement à deviner le sens que l’artiste a bien pu y mettre, les ressentis qui l’ont inspirée.
Je me suis appropriée le tableau et je réalise qu’il est mien. Qu’il est moi aussi.
Il y a d’abord la nudité de ce blanc si lumineux qui tranche sur le noir. Le blanc riche de tout son arc-en-ciel. Et le noir est lui aussi lumière, lumière retenue de ses couleurs enchâssées. J’ai tout de suite eu envie de le toucher ; velours sidéral que j’imagine s’étendre à l’infini. Il y a le cadre bien sûr, humble nécessité de notre espace-matière mais qui ne saurait contenir l’incommensurable univers qui nous entoure. Nuit des temps, mystère et non ténèbres, puisque d’elle naissent les étoiles.
Au centre du mandala de jais, l’île blanche comme un cri sidéral, le cri primordial préludant toute vie. Il en reste la fracture, qui va au-delà d’une naissance animale. Elle me projette vers la création première, la conviction primitive qu’au commencement, l’étincelle d’amour s’est détachée de l’éternelle présence et.. qu’elle y retournera, brins d’azur ineffable dont se tisse notre existence.
La séparation n’est pas irrémédiable. L’harmonie se refondera et j’en ferai partie, moi la petite atome de cette nébuleuse bleue, poussière de vie. Pour me relier au « paradis perdu », ce fin réseau de brins améthyste. Si ténus et si présents à la fois, ils s’imposent comme symbole de ce qui compte vraiment et donnent à l’œuvre sa véritable dimension, la baignent de spiritualité.
La vie est là. Ma vie est là. La vie rêvée d’une chercheuse d’étoile.
Mais que je n’oublie pas de mentionner le mascaron en forme de nombril facétieux qui m’observe … juste pour me ramener les pieds sur terre, pour me dire de ne pas trop me prendre au sérieux.
Monique MERABET (16 Septembre
2009)
Samedi 18 Février 2012,
à Monika
extrait du commentaire de Monika sur mon haïbun du 17 Février: "mais en comparant les miens à ceux de mes frères et soeurs, par exemple [...] je me rends compte parfois des grandes divergences dans nos souvenirs..."
En 2011, la disparition de ma sœur a modifié le regard que j’ai porté sur l’œuvre commentée ci-dessus et j’écrivais en Juillet à une amie..
"Ce qui me parle aujourd’hui, c’est cette cassure, le vide de la séparation, cette discontinuité dans ma vie. Je ne suis plus entière ; une partie de moi (notre enfance commune) a sombré lorsque sa vie à elle s’est tue. Il ne me reste plus que des souvenirs, les miens propres, ceux que je ne pourrai jamais plus confronter aux siens.
Je n’avais pas ressenti cela à la mort de ma mère quelques années plus tôt. Bien sûr, les événements familiaux de son passé se font plus flous dans ma mémoire. De ma mère, la transmission a été assurée naturellement et ce n’est pas grave si j’en ai perdu des éléments.
Mais ce que j’ai partagé avec ma sœur n’est pas du même ordre. Ce n’est pas le prolongement d’une ligne mais un peu comme la conjonction de deux parallèles qui peuvent parfois fusionner. Et c’est cette fusion, la richesse de cette rencontre qui n’est plus réalisable aujourd’hui.
Il me revient aussi en mémoire cette ligne de vie qui présente une brisure dans ma paume. On me l’avait signalée autrefois, sans pouvoir m’expliquer cette coupure qui ne désigne pas une fin. Mais faut-il croire en ces destins prédestinés inscrits dans ma chair ?"
Mon visage
tout ce qu’il me reste d’elles
dans la glace
Par contre je crois aux signes qui jalonnent mon existence. Ainsi ces lignes de ma lettre, je ne les ai jamais envoyées, peut-être par crainte de fatiguer l’amie de mes lamentations… Et curieusement, je les ai quand même gardées… attendant ce commentaire de Monika sur la pluralité mémorielle. Coïncidence ?
(Monique MERABET, 18 Février 2012 )