La vie est un "tapis de coins"
LA VIE EST UN « TAPIS DE COINS* »
*Tapis de coins ou tapis mendiant : une espèce de patchwork fait de rectangles irréguliers découpés dans des retailles de tissu, de vieux vêtements…
En Épiphanie
les coquelicots levés
pousses si fragiles
ne pas craindre la fourmi
et ma joie sera parfaite
Les coquelicots pointent déjà leur minuscule verdure. Et puis la cavalcade des chats dans les belles de nuit : le bon, le mauvais, du jour, tout ensemble. Et le café raté, un peu trop « serré ».
Ma nouvelle cafetière me déroute. Je n’arrive pas à savoir combien de temps il lui faut pour « couler » un café à mon goût. Je ne sais plus ou c’est elle qui… ?
Les chats sans pitance, s’en vont à petits pas. Comme à regret.
L’équation du jour pour me composer un haïbun potable : un café raté, de fragiles promesses aux coquelicots, les mouches et les chats non désirés. Est-il possible d’installer aux banalités quotidiennes, une dynamique créatrice propre à accueillir les mots, afin d’en extraire vérité ?
Écrire vrai : le credo d’Elena Ferrante dont je lis Frantumaglia*.
Si j’ai bien compris, la frantumaglia est cet ensemble d’éclis, d’éclats, de brisures, de ceci, de cela, de souvenirs, de rêves, de vécus qui tapisse notre intériorité. Le chaos qui précède la création.
Un peu aussi comme un compost qui s’affine au fil des jours et duquel surgira… la vérité d’un coquelicot.
Sous sa forme incertaine, je crois qu’elle rejoint l’Opus incertum* de Monique Séverin. En tout cas il me semble que du magma de nos enchevêtrements identitaires et sociologiques, ne peuvent sortir que ces aboulies, anamorphoses, antigonies, entéléchies… termes savants et signifiants ou savamment inventés par l’auteure.
Car, au-delà de nos ressentis intimes, se replie en nous le subconscient d’une ville, d’une île Mère-Fille-Femme pétrie de notre passé à recomposer.
Voilà qui pourrait (devrait) donner naissance à une belle littérature lucide, sans concession, sans nostalgie ni regret non plus. Feuilles mortes des jours anciens, des coutumes, des batailles, des asservissements qui ont rendu l’existence âpre à nos ancêtres… et dont les couleurs changeantes, cependant, ont pu les réjouir : fleurs de cannes dans la brise, un vol de libre papangue, l’hirondelle détournant l’attention des chasseurs de l’entrée de la grotte salvatrice, et puis… la pli tonbé, mayi pousé.
Pièces assemblées
Charme d’un tapis mendiant
fragments d’existence
(8 janvier 2022)
*Opus incertum est un recueil poétique de Monique Séverin, Surya Editions, 2014
Frantumaglia, L’écriture et ma vie de Elena Ferrante, Folio