LE SECRET (VI)

(image Flickr)
SACRÉ PASCAL!
Saynète
Dans le petit café qui accueille leurs réunions amicales, arrivée successive de G, J, H et M / M est installée et elle boit un thé en consultant un dossier. Claude, au comptoir, lit un journal. Arrivée de Gégé qui passe la tête, semble étonnée et mal à l'aise.
GEGE : - Bonjour, Monique ; ne me dis pas que c'est aujourd'hui !
MONIQUE : - Qu'est-ce qui est aujourd'hui ?
GEGE : - Ben... notre réunion !
MONIQUE : Non, c'est la semaine prochaine.
GEGE: (Désignant les dossier) – Mais...
MONIQUE : - Ça m'arrive de venir ici en dehors des réunions, tu sais.
GEGE : - Ah... Remarque, moi aussi. Je peux... ?
MONIQUE : - Bien sûr !
GEGE: - Merci. (À Claude qui a levé le nez de son journal) Claude, un thé, s'il te plaît.
CLAUDE : - Nature et sans sucre, comme d'hab' ? (Signe de Gégé) OK ça roule (Il s'active à son comptoir en sifflotant ; arrivée de Huguette et de Joëlle ; même réaction que Gégé)
HUGUETTE : - Bonjour les filles ! C'est aujourd'hui qu'on se voit ?
MONIQUE : - Mais non ! Je suis venue prendre un thé ici et Gégé s'est arrêtée par hasard. Comme vous.
JOËLLE : Eh bien ! On est au presque au complet. Pourquoio attendre la semaine prochaine ? On n'a qu'à faire notre réunion tout de suite.
HUGUETTE : - Ce ne serait pas une mauvaise idée. (Claude pose le thé de Gégé) Tu peux me servir un chocolat chaud, Claude ?
CLAUDE : - Je peux ! Et la quatrième dame, elle ne veut rien, la quatrième dame ?
JOELLE : - Si si ! Elle prendra un café... et un pichet d'eau chaude, s'il te plaît.
CLAUDE : - Un café, ça me plaît, pas un pichet de flotte. Transformer un bon expresso franco-italien en exécrable bibine américaine, c'est un péché ! Un gros !
JOELLE : - Que veux-tu, Claude, ton café est super mais il me transforme en pile électrique... Alors tôt matin, ça passe, mais en milieu d'après-midi, bonjour les dégâts !... (Claude hausse les épaules et retourne à son comptoir) )
HUGUETTE : - Il ne manque plus que Pascal pour que le club soit au complet.
JOELLE : - Je me demande ce qu'il a, Pascal. On dirait qu'il nous fuit. (Claude arrive avec le café et le chocolat ) Merci, Claude. (C s'affaire autour des tables : il les essuie, change les fleurs , va et vient) Ces derniers temps, chaque fois que j'ai voulu passer chez lui pour un petit coucou, ses volets étaient fermés...
GEGE : - Moi, j'ai essayé de lui téléphoner : ça sonnait dans le vide.
HUGUETTE : (Pensive, pour elle même) – Il n'est plus le même depuis que sa cousine s'est installée chez lui.
CLAUDE : (En plaçant un vase de fleur sur la table) – Si vous voulez mon avis... Sa « cousine » et lui, en ce moment... Bref, y'a d'leau dans l'gaz. (Il retourne à son comptoir)
JOELLE : - Comment est-ce qu'il sait tout ça, lui ?
GEGE : - Il habite dans l'immeuble neuf en face de la case de Pascal. Il doit entendre des trucs...
JOELLE : Et pourquoi il a dit « cousine » sur ce ton-là ? Noémie, c'est pas la cousine de Pascal ?
HUGUETTE : - Pascal nous l'a présentée comme sa cousine. On n'a pas de raison d'en douter.
MONIQUE : - On n'a pas de raison non plus de le croire...
GEGE : - En tout cas, depuis qu'elle est là, il écrit comme un dieu ! Surtout quand c'est des poèmes... Faut dire que la « cousine », c'est pas un thon !
JOELLE : - Ouais c'est un joli petit lot... Et vachement bien poumonnée !... Il doit être amoureux...
MONIQUE : - C'est pas nos affaires !
JOËLLE : - Comment ça, c'est pas nos affaires ! Faudrait pas se faire piquer, par une prétendue cousine, le seul mec du club : on le voit de moins en moins, Pascal !
GEGE : - Tiens ! quand on parle du loup... (Elles regardent dans la même direction)
HUGUETTE : - Oulàlà... Il a l'air triste... préoccupé...
JOELLE : - Super ! J'espère qu'il va passer sans nous voir... Pas envie de boire mon café arrosé déprime! (Huguette fait de grands signes puis se lève et sort. Elle revient avec Pascal qui n'a pas l'air enthousiasmé)
PASCAL : Salut, les filles ; je suis désolée mais je ne peux pas rester longtemps. (Claude s'approche). Bon ben... pour moi ce sera un café... et serré, hein ! bien serré... (Il s'installe : avachi et morose.).
CLAUDE : (En repartant vers son comptoir) - À la bonne heure ! Enfin un connaisseur qui ne dénature pas mes nectars.
Moment de silence ; regards ; on n'entend que Claude qui sifflote et revient avec le café commandé)
PASCAL : - Merci, Claude.
JOËLLE : - Ça va te remettre dans les starting bloc, ce machin-là... Dis-donc, tu te fais appeler Désiré depuis quelque temps... Tu ne nous aimes plus ?
HUGUETTE : - C'est vrai que tu te fais rare en ce moment.
GEGE : - On peut quand même compter sur toi pour la réunion de la semaine prochaine ?
MONIQUE : - D'autant plus, JE VOUS DEVOILE UN SCOOP, que j'ai récupéré une nouvelle adhésion au club !... (Regards intéressés, sauf celui de Pascal) Une adhésion de choix...
JOËLLE : - Eh bien ! Au lieu de nous faire lanterner, dis-nous qui c'est !
MONIQUE : - C'est Robert...
GEGE : - Robert... ?
MONIQUE : - Robert Le Breton.
JOËLLE : - Robert Le Breton ? Pffffttt... Un vieux... et moche par-dessus le marché.
MONIQUE : - Mais il écrit très bien et... c'est un « mec » ! Ça nous en fera deux.
PASCAL : - Non !... ça vous en fera un seul... Je démissionne. (Long moment e stupéfaction, regard fixé sur pascal, puis échange de regards)
JOËLLE : - Tu peux pas nous faire ça !
PASCAL : - Mais si, je peux ! La preuve... De toute façon, ce n'est pas grave puisque vous avez trouvé un remplaçant.
HUGUETTE : - Mais enfin, Pascal ! Personne ne peut te remplacer !
PASCAL : - Nul n'est irremplaçable... (Silence ; regards consternés)
MONIQUE : - Tu continueras quand même à nous envoyer des textes ? (Signe négatif de P) Même pas de temps en temps ? (Signe négatif de P) Tu en as quand même prévu un ou deux pour le prochain recueil ? On comptait absolument sur toi.
PASCAL : - J'en avais commencé un, mais je ne crois pas que je le terminerai.
JOËLLE : - Pourquoi ? C'est quand même pas à cause de... de ta cousine ?
PASCAL : ( Las) – Si, c'est à cause de ma cousine... (Regards, silence) Et ce n'est pas du tout ce que vous croyez !
Sonnerie de GSM G, H, J et M consultent leur téléphone puis le rangent sauf Monique.
MONIQUE : - (Elle écoute, semble inquiète, opine) Je vous laisse : mon mari a eu un petit accrochage en ville. Rien de vraiment sérieux, mais il a été transporté à l'hôpital au cas où... (Elle fourre précipitamment ses affaires dans son grand sac) Joëlle, tu as ta voiture ? Tu peux m'emmener ?
JOËLLE: - Évidemment !
GEGE : Tu peux me déposer au passage ?
JOËLLE: - Quand y'en a pour 2, Y'en a pour « toi » (J, G et M sortent précipitamment.)
HUGUETTE : - Monique et l'accident de son mari, toi qui nous quittes... ça fait beaucoup de mauvaises nouvelles pour une seule journée.
PASCAL : - Eh oui ! Y'a des jour comme ça... Bon ben, moi aussi j'y vais... Pour le club, j'espère que vous m'en voudrez pas trop...
HUGUETTE : - C'est ton choix... Mais c'est dommage. Tu as un sacré talent!
PASCAL : - Un sacré talent ! Ma pauvre Huguette, si tu savais !...
HUGUETTE : - ????? Si je savais quoi ?
PASCAL : - Si tu savais... Oh là là ! J'ai trop honte !
HUGUETTE : - ????? Honte de quoi ?
PASCAL : - Écoute... Le premier, c'était pour rire...
HUGUETTE : Quel premier ?
PASCAL : Le premier texte, un poème d'amour très... très inspiré. (Regard perplexe de H) Ma cousine venait d'arriver, elle avait lu votre premier recueil et elle a insisté pour...
HUGUETTE : - Pour quoi faire ?
PASCAL : - Pour... pour me faire participer.
HUGUETTE : - Elle avait raison ! C'est toi qui écris les meilleurs textes depuis quelque temps.
PASCAL : - Non ! Elle avait tort... La preuve, puisqu'elle m'a mis dans la mélasse et qu'elle me laisse tomber...
HUGUETTE : - Je ne comprends pas...
PASCAL : - Écoute Huguette... Oh là là ! Que c'est difficile... (Regard perplexe de H ; hésitation de P) Vois-tu, Huguette, mes textes... eh bien... mes « bons textes depuis quelque temps »... c'est elle qui les écrivait... et maintenant... elle ne veut plus... Elle n'a plus envie... Ça la rase ! Elle veut faire de la peinture ! (Un temps regards) Huguette...
HUGUETTE : - Oui ?...
PASCAL : - Pour les autres... j'aimerais autant que...
HUGUETTE : - Ne t'inquiète pas : je ne leur dirai rien... (Pascal sort.)
CLAUDE : (Hilare, venant essuyer la table avec un torchon) Moi non plus...
NOIR