Hier, je n'ai pas écrit
HIER JE N’AI PAS ÉCRIT
Hier, j’ai écossé des petits pois. Des grains verts ou des mots bleus, choisir entre les deux. Écossage de pois ronds (poirons) comme on dit ici, à la mode de mon enfance trieuse de grains ou de brèdes.
Retrouver le temps longtemps d’économie ménagère de parcimonie, du rien perdre mon enfant. Ainsi pour les poiron, on ne se contente pas de récupérer les pois — gros, moyens, fins, très fins, ce n’est pas important — on garde aussi la partie charnue de la cosse que l’on débarrasse de sa pellicule raide détachée (comme pour un auto collant) d’un seul tenant lorsqu’on est habile, sinon, il faut s’y reprendre à plusieurs fois. Et le coup d’œil critique de Grand-mère qui s’exaspérait de nos doigts gourds.
Et l’opportunité de méditer, de vavanguer au rythme des doigts. Refaire le monde. Associer des mots, des phrases que l’on oubliera peut-être. Mais en écriture, ce que l’on perd, ce que l’on jette, compte autant que les mots choisis, chéris, qui nous semblent dignes d’intérêt.
Que deviennent les mots qui meurent ?
Les mots morts
se morfondent.
Mordront-ils encore
chez les Maures
les Mau-Mau ou les Mormons ?
Sirandane allitératif écrit en 1997. Poème calembour, refoulé au fond d’un cahier, occulté de la mémoire, renié : non, non ! C’est pas moi qui ai écrit ça… et mon nez qui s’allonge, virtuellement, heureusement. Et voilà que je tombe sur cette citation de JMG Le Clézio (prix Nobel, rien que ça !) :
Que deviennent les mots lorsqu’ils meurent ? Est-ce qu’ils vivent au ciel parmi les nuages ?
Finalement, je suis juste avant-gardiste.
Quant aux petits pois, ils m’ont fait un bon cari, moelleux et tout.
(14 septembre 2019)