Un jour, un ciel
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UN JOUR UN CIEL
Retour de marché
l’ombrage des flamboyants
comme une résille
Suivre des yeux la fourmi
dans son parcours « marche à l’ombre »
Un jour, un ciel. L’immensité. Au-dessus de ma tête il restera bien assez de bleu. Quelle que soit la tour de Babel qui prétendra me le cacher.
Même la lune — un peu timide — s’est montrée hier soir, premier quartier.
Et, tant qu’il y aura des étoiles… les lumières citadines ne les brouillent pas encore trop du côté de Saint-Denis.
Tant qu(il y aura des étoiles, des planètes — au moins une… — et des saisons ! Je mourrai avant elles, comme il est réconfortant d’y songer ! Parti et laisser derrière soi une trâlée de merveilles… Bel héritage inentamé ! Je devrais peut-être écrire mon testament :
À toi l’oiseau qui rôde dans le « cœur-de-bœuf » — je t’entends, je te découvre, ombre passant parmi les ombres des feuilles du mur —, à toi l’enchanteur, je lègue tout ce ciel bleu. Promesse de fée.
Et au chat qui se faufile à l’abri du double grillage décroché, que sa chasse reste vaine ! Vœu de Carabosse. Juré, craché !
Mais être Carabosse, un court instant seulement ! Qu’elle n’ait pas le temps d’enfler son sac à malédictions ! Je crains toujours que les fumées humaines ne viennent altérer le bel azur qui me protège, veille sur mes mots.
Je les entends chuinter, chanter sous ma plume. Ah ! il me faudrait un mot pour dire cela, comme on nomme si joliment le chant des oiseaux : cajoler, zinzinnabuler, etc.
Fourmi de la page
entends-tu mes mots
écriroler ?
Et ma page sera bleue. Et mes pensées seront bleues.
L’alizé du jour est brise caressante, rafraîchissement offert. J’irai bientôt pour le marché. Je frotterai mes pas aux trottoirs que traverseront un pigeon, un martin ; je me pencherai pour ramasser l’éventail rouge d’une feuille vernissée de badamier.
Et les flamboyants ? Frémissent-ils déjà d’un chatouillis de sève ?
(5 août 2022)