Kintsugi

Publié le par Monique MERABET

Kintsugi

KINTSUGI

 

 

 

Ciel sans nuage

pour fêter l’août

rosiers à planter

 

Chants trillés qui se répandent dans le matin bleu. Cette impression d’être la seule à ne pas comprendre, à ne pas répondre.

L’écriture, heureusement, me permet de m’inscrire dans le grand concert du dimanche. Ma petite voix, seule et unique. Indispensable ?

Je m’interroge parfois sur la nécessité de dire mes ressentis, la légitimité de les écrire. N’ai-je rien d’autre — de plus signifiant, de plus conséquent — à offrir ?

Mais pourquoi entonnerai-je les airs des autres ? Ils ne sont ni plus sacrés, ni plus pertinents que les miens.

Fête de l’Aïd : chez les voisins, un beuglement. Avant le sacrifice… je perçois l’écho de leurs prières.

Mêler mes mots à ceux d’autres, des poètes, des penseurs, des prophètes, des religieux, des rationalistes, des écrivains « bienveillants »… comme Le Clézio ;

 

Je veux écrire pour être du côté des animaux et des enfants, du côté de ceux qui voient le monde tel qu’il est, qui connaissent sa beauté

(extrait de L’inconnu sur la terre)

 

Choisir son envers et son endroit du monde, cadeau de la maturité, de la vieillesse. Sagesse ?

Après avoir tant vécu, ne plus se laisser prendre au piège des passions, des indignations, des fascinations de pacotille, des déceptions. Trouver beau le monde tel qu’il est, au-delà des griffures que nous y laissons.

Retisser sa trame parfois usée d’un fil d’araignée, d’un pétale, d’une note. Adopter l’art japonais du kintsugi : il consiste à réparer une poterie fêlée en faisant zigzaguer sur la fissure un sillon doré apparent, empreinte du passé, résilience de ce qui peut redonner vie et intégrité à la matière bisée.

 

Mille éclis

les chats n’ont rien laissé pour

le kintsugi

 

Kintsugi signifie : jointure en or.

Le temps œuvre dans la ligne de cet art ; il nous permet de réparer nos blessures, de souligner notre âge de rides, de taches, voire de cicatrices témoignant des combats menés.

Se souvenir d’en combler les déchirures avec l’or de la poésie, des bonheurs rencontrés, paillettes qui se posent, s’agglomèrent, se fondent en un chemin de vie où se perdent les mauvais jours, les peurs, les pleurs à cœur fendre.

 

(2 août 2020)

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article