Requiem pour araucaria

Publié le par Monique MERABET

Requiem pour araucaria

REQUIEM POUR ARAUCARIA

 

Bruit de pelleteuse                               Dézord buldozèr

écrire encore une fois                           bann mo pou rorakonté

l’araucaria est mort                              défun piédboi

 

Faut-il décrire le vacarme, les grincements, les coups de boutoir, démolissant, abattant ? Faut-il écrire que pour le bel araucaria, il est trop tard ? Où iront chanter bulbuls du matin ?

Autrefois — il n’y a pas si longtemps — on s’achetait un terrain afin de pouvoir planter quelques arbres enchâssant sa maison, la protégeant du kèr solèy. Aujourd’hui, il s’agit de rentabiliser, d’optimiser l’île à superficie limitée, non extensible. Hauteur et superficie à la limite des coefficients d’urbanisme licites. Tant pis pour les oiseaux !

Nous avons tous vu disparaître en gravats le jardin d’en face, la maison d’à côté. Je sais, je sais. Ils ne manqueront pas aux enfants qui ne les auront pas connus. Ils trouveront normal de s’enfermer derrière des grilles cadenassées, entrées triplement codées ; ils se contenteront de quelques buissons de plantes à la mode, vite arrachées à la demande expresse et unanime des copropriétaires : navé tro pusron ma fiy !

Jardins abandonnés, défigurés, oubliés, à vous je dédie ce poème ; un conte australien me l’a inspiré :

 

LE SECRET DES FLEURS

 

Comme elle était jolie la terre en ce temps-là !

Comme elle était jolie !

Jardin épanoui

Une planète-fleur

Corolle de bonheur !

Et les dieux s’y plaisaient,

Couronnés de pétales,

Et les humains chantaient

Le soir, sous les étoiles.

 

Il a suffi pourtant qu’un jour sonne le glas…

Il a suffi pourtant

D’un accord dissonant !

Quand la haine, la peur,

Envahirent les cœurs

Les fleurs s’étiolèrent

Comme l’esprit qui s’endort

Et les dieux désertèrent

La vallée de la mort.

 

La Terre dénudée apparut sans éclat !

La Terre dénudée

En désert, fut changée.

Plus la moindre fleurette

Pour parer son squelette,

Plus de teintes moirées

S’échappant des pétales ;

Plus de rires, de gaîté,

Le soir sous les étoiles.

 

Les lamentations montèrent avec fracas !

Les lamentations

Et les supplications !

Les dieux importunés

Firent, pour avoir la paix,

Don de manne et de miel

Assouvissant la faim

Mais le deuil éternel

Des fleurs ne tarit point.

 

Les hommes insatisfaits, en quête de la joie…

Les hommes insatisfaits

Jusqu’aux dieux sont allés :

Nous avons soif aussi

De rêve, de poésie…

Offrez-nous les couleurs

Et les parfums ombrés

Par la grâce des fleurs

Qui nous rend plus légers

 

Quand l’Esprit bienveillant, sur la Terre souffla…

Quand l’Esprit bienveillant

Fit renaître un printemps

De corolles arc-en-ciel

Comme un pacte du ciel,

Les calices nacrés

Délivrés, refleurirent.

Hommes et dieux apaisés

Retrouvèrent sourire.

 

Quand nous n’avons plus que des mots…

 

(28 janvier 2021)

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B
les arbres sont différents mais le quartier gorgé de béton est le même
Répondre
M
Oui, j'ai pensé à toi en écrivant...