Fantaisie pour mains paresseuses

FANTAISIE POUR MAINS PARESSEUSES

(Personnages : MAIN DROITE, celle qui écrit et MAIN GAUCHE, celle qui corrige les erreurs)

Printemps ou automne

Je ne sais plus… les oiseaux

Pouvez-vous répéter ?

Équinoxe de mars ou de septembre : les oiseaux de mon jardin font leurs nids. De quoi en perdre le Nord/Sud, à ne plus savoir qu’en dire.

Juste l’envie d’écrire quelque chose de léger que me soufflerait la brise. Sa douceur, ce matin, sans doute pour me faire oublier son absence d’hier, aux heures les plus chaudes…

« Je croyais que tu n’aimais pas le vent », susurre — innocemment ? — Main Gauche.

En voilà une impertinente ! Une Madame-je-sais-tout, alors qu’elle est censée intervenir à propos de la syntaxe, débusquer les lourdeurs, les impropriétés, les pléonasmes, les fautes de grammaire, tous ces petits maux qui rendent un texte raplapla, anémique ou ampoulé. Tout ce que Main Droite ne voit pas, bercée par le tracé hypnotique des lettres.

Main Gauche sort de son rôle en s’attaquant non plus à la forme mais au fond, au domaine des pensées profondes qui me viennent, si ! si !

(Main Gauche tressaute, pliée par le fou rire qu’elle ne peut réprimer)

Il ne reste que fleurs blanches au franciséa ; seuls les liserons croient encore au bleu.

Crossandra orange

Ah ! j’ai perdu la chenille

De mon citronnier

« Inconvenante nostalgie ! », grince Main Gauche.

Bon ! Revenons au vent. J’affirme et je signe que tout écrivain a droit au doute, aux contradictions.

« Cela s’appelle palinodies », m’informe Main Gauche.( Main Droite fait zorèy koshon dann marmite poi)

Et puis, n’ai-je pas le droit de détester aujourd’hui ce que j’aimerai demain et… vice versa.

Expression louche que ce vice versa… (De honte, Main Gauche va se cacher sous la table.)

Aurait-il été préférable d’écrire :

« , d’aimer aujourd’hui ce que je détesterai demain »

Un peu lyrique mais ça balance bien, s’extasie Main Droite cependant que sa sœur fait silence, rakokiyé davantage sur ma robe.

(19 mars 2024)