Arroser
ARROSER
vent dans les feuillages
par derrière les montagnes
les flammes plus hautes ?
Premier Novembre. Á quoi songer sous ce ciel si bleu, si bleu ? Là-haut, peut-être, sur le front du feu, pleuvra-t-il enfin.
Je vais arroser. Arroser est toujours un moment délicieux propice à la méditation, une pause temporelle, une découverte aussi :
La petite fleur cachée, oubliée ; les bourgeons qui se déploient encore timidement mais gorgés de promesses ; toutes ces gouttes illuminant soudain le ciel d’un liseron ; la gloire prochaine du cerisier…
Blancheur de Toussaint.
Arroser, dilate le temps. La petite demi-heure qui me suffit pour un tour complet du jardinet, me semble prendre l’ampleur d’une matinée. Quand je finis de ranger le tuyau d’arrosage en spires immuablement enroulées, j’ai l’impression d’avoir accompli une longue randonnée. Un long voyage intérieur aussi pour avoir communié avec chaque corolle, chaque graine, chaque feuille.
arroser
en saluant chaque fleur
le soleil fait du surplace
Le jet d’eau débusque de dessous les feuilles sèches, les petites araignées que je ne vois jamais autrement. Et les oiseaux qui restent invisibles dans l’épaisseur des feuillages…
claquement d’un bec
les fleurs du manguier déboulent
sur ma tête
Arrosage… Moment privilégié de la pêche aux haïkus. Qui ne viennent pas forcément quand on les appelle. Rassure-toi, ma jeune amie ! toi qui te lamentes de ne pas pouvoir (pas savoir) décrocher ceux qui restent accrochés aux branches dorées de ton automne ou qui crissent en tapis chatoyant sous tes pieds de promeneuse.
le temps colore les arbres
éblouissement
... écris-tu
L’éblouissement nous suffit.
(Monique MERABET, 1er Novembre 2011)