Chapeau (2)

Publié le par Monique MERABET

JAPONICA

{AGAPANTHUS ORIENTALIS LEIGHTON ou AGAPANTHE (fleur d’amour)}

 

chapo-st-paul-001.JPGMarie, Lucile et Jeanne se retrouvaient tous les après-midi sous le pied de bibasse pour s’adonner à leurs activités favorites. Lorsqu’il pleuvait, elles restaient dans la cuisine au bois. Marie préférait le petit tabouret et s’installait un peu à l’écart, car ses sœurs un peu plus âgées qu’elle avaient toujours un regard inquisiteur lorsqu’elle était trop près.

«  Ah non ma fille, là le petit bout lé trop mince, y faut changer et puis out’ rajout va pas tenir, serre plus, na trop de trous, lé pas joli ! »

Elle les voyait faire depuis toute petite et à dix ans elle avait commencé à tresser la jolie paille brillante d’abord avec quatre brins puis avec six… huit. Après, cela avait été un jeu d’enfant d’augmenter le nombre de brins. Longtemps elle avait suivi ses sœurs pour récolter les précieux bâtons. Chez la vieille tantine Toria, il y avait un grand carré de « bâtons de jour de l’an », qu’on nommait aussi  « boules de bleu »  et quand les fleurs commençaient à flétrir on récupérait leurs tiges. Sur la roche à laver et après avoir fendu chacune en quatre, il fallait la débarrasser  de sa « mie ». Seule restait la petite écorce verte qu’on trempait régulièrement dans l’eau en la débarrassant de toute sa chlorophylle. La fine pellicule brillante était mise de côté dans un chiffon bien propre.

« Là, lé pas loin d’avoir le compte pour monte out’ chapeau, Lucile ! Madame Grondin la di elle a besoin pour dimanche prochain, parce qu’elle i trouve la sienne trop vilain maintenant ! »

Monter le chapeau, c’était ça que Marie attendait avec impatience car on ne l’avait pas encore autorisée à associer les bandes tressées. Cela demandait une grande dextérité et un coup de main qu’elle était censée ne pas avoir… pas encore. Elle avait bien tenté une ou deux fois de débuter le rond pour le fond du chapeau, mais à chaque fois ça tombait mal, l’amorce était ratée. Marre de toujours faire des mètres de tresses sans jamais avoir la joie de les voir transformer entre ses mains en un de ces jolis chapeaux que ses sœurs réussissaient si bien.  Elle restait tendue sur son objectif : un jour elle aurait un chapeau bien à elle, un qu’elle aurait fait d’un bout à l’autre, sans aide, sans remarque désobligeante. Elle veut une grande bergère et le décorera avec le joli ruban de soie rouge qu’elle a déjà repéré dans la vitrine de la boutique  Ah-Thion. Ce sera sa merveille : «  Quoi Marie, c’est ou même la fait out chapeau ? »

Marie eut un regard ému sur sa merveille qui pendait au clou dans la salle à manger. Elle n’avait plus la belle fraîcheur du début et le ruban avait été remplacé par une vieille ceinture. Les grains de pluie successifs l’avaient rendue jaunâtre et le chapeau de messe était devenu celui de la cour, l’accessoire qu’elle décrochait machinalement lorsqu’elle sortait pour étendre le linge ou chercher un brin de thym pour son cari.

 

Marie-Andrée FONTAINE  2 juillet 2011

Publié dans CHAPEAU

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
<br /> <br /> Marie-Andrée<br /> <br /> <br /> Tes évocations pnt l'art de me plonger en plein coeur de mes souvenirs les plus chers. Là, ces agapanthes qui ourlaient de leurs couronnes bleues mes vacances dans la maison du Plate Saint-Leu.<br /> Et maman qui avait coupé toutes les fleurs pour confier leurs tiges à une tresseuse de chapeaux. Si fine si délicate, la paille de Lys.<br /> <br /> <br /> Bises.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre